
Quand un Ivoirien de sa trempe, ancien ministre et président du deuxième plus vieux parti politique en Afrique, après l’ANC, soutient qu’il « reçoit des menaces de mort quasi quotidiennes », l’on est en droit de se demander si l’on vit dans le même pays. Thiam a-t-il fait cette affirmation sur une chaîne internationale pour attirer sur lui, les regards de la communauté internationale ou est-il sérieux dans ses affirmations ? Sans vouloir verser dans l’impertinence, l’on peut avancer que le président du PDCI-RDA est dans l’enfumage politique et les affabulations. Il ne peut pas en être autrement quand l’on se réfère aux activités que mène Tidjane Thiam sur le terrain dans le cadre de son ambition présidentielle. Nous sommes en 2025 et selon tous les indicateurs, la Côte d’Ivoire enregistre le taux d’insécurité le plus bas de ces 30 dernières années. L’indice de sécurité qui était de 6,8 en 2012, est passé à 1,2 au mois de septembre 2024, soit au même niveau que toutes les grandes capitales occidentales et ceci, dans un contexte sous-régional tourmenté.
Dans son dernier rapport, les États-Unis dont on connaît l’intransigeance et le strict attachement aux questions sécuritaires, a placé la Côte d’Ivoire sur sa liste verte, donc un pays sûr dans lequel tous les citoyens américains peuvent voyager sans aucun risque, alors que plusieurs pays dans la sousrégion sont sur la liste orange ou même rouge. Dès lors, de quel pays parle au juste le président du PDCI-RDA ? Aucune chancellerie occidentale ne va qualifier de sûr, un pays dans lequel les opposants sont menacés de mort. Mais ici, l’ancien banquier suisse, redevenu ivoirien il y a quelques jours, soutient qu’il fait l’objet de menaces de mort quasi quotidiennes. Sur la question, l’on doit retenir que Tidjane Thiam veut jouer la carte de la victimisation. Il est sur le terrain et mène ses activités politiques quand il veut et se déplace quand il veut et où il veut pour animer ses meetings. Jamais, l’on n’a appris que le pouvoir a téléguidé une mouche pour se poser sur Tidjane Thiam. Lui-même, pour prouver qu’il est bien à l’aise dans ses activités, à chacun de ses meetings, il esquisse des pas de danse sur les sonorités les plus enlevées du moment pour montrer qu’il est lui aussi un enfant du pays et que les 23 années d’absence de la mère patrie ne lui ont pas enlevé ses prouesses de grand guincheur.
Lors de son meeting à Aboisso, dans le mois de février dernier, il a assuré un show-time au rythme d’un Zoblazo helvétique avec des pas de danse dont lui seul a le secret. Mieux, les week-ends, il va dans des concerts, il monte sur scène et communie avec les artistes. Il va aussi dans des veillées funéraires et assiste à des fêtes ou soirées privées et prend des bains de foule. Pour faire tendance et montrer qu’il est proche du peuple, il fait des selfies à volonté et quand il veut. Alors, une fois de plus, de quoi parle au juste Tidjane Thiam ? Il faut que cela soit tenu pour dit : Quelqu’un qui reçoit des menaces de mort quasi quotidiennes ne peut pas s’aventurer tard dans la nuit dans les concerts ou aller dans des quartiers malfamés pour, dit-il, apporter une compassion intéressée à des déguerpis. Si Tidjane Thiam était un acteur politique dans les pays de l’AES ou s’il avait été en Côte d’Ivoire pendant les dix années de règne de Laurent Gbagbo, il comprendrait ce que l’on appelle menaces de mort. Il peut se renseigner à cet égard. Le général Robert Guei, son épouse et son aide de camp, Camara H, Guy Lamblin, le Dr Benoît Dacoury Tabley, Tehe Emile, Guy André Kieffer, Jean Hélène, le colonel Dosso Adama ont été emportés par les escadrons de la mort et les sbires de l’ancien régime. Aujourd’hui, les opposants qui se disent menacés, sont plus incisifs que ces derniers et rien ne leur arrive. Dans son projet de devenir président de la Côte d’Ivoire et dans ses prises de parole dans les médias, le président du PDCI-RDA doit méditer cette recommandation de Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens : « Tout m’est permis, mais tout n’est pas utile ».
Bernard KRA