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Côte d'Ivoire / Laurent Gbagbo : Quel nouveau départ à 76 ans ?

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Abidjan, le dimanche 22 aout 2021 (lavenir.ci) - Depuis le lundi 9 août 2021, l’ancien président Laurent Gbagbo, par ailleurs fondateur du Front populaire ivoirien (FPI), n’est plus membre de cette formation. Dans les semaines qui ont suivi son retour en Côte d’Ivoire, après dix années de procédure judiciaire à la Cour pénale internationale, l’homme a décidé d’abandonner son parti pour aller fonder une nouvelle formation. « Aujourd’hui, je suis revenu de prison, il nous faut avancer. Je propose : laissons Affi avec l’enveloppe qu’il détient. Nous allons baptiser le FPI autrement. Nous allons continuer à lutter. Le FPI, c’est nous. Nous allons changer de nom. C’est tout ». C’est en ces termes que l’ancien président a prononcé avec fracas, sa décision d’abandonner son bébé aux mains de son lieutenant Pascal Affi N’Guessan. Séance tenante, cette décision a rencontré l’assentiment de la quasi-totalité des participants à cette réunion du comité central, y compris sa presque ancienne épouse, Simone Ehivet Gbagbo. Ce jour-là, des dispositions ont été également prises pour l’organisation d’un congrès constitutif dans les semaines et mois à venir. À l’évidence, Laurent Gbagbo n’a pas voulu engager un bras de fer avec son lieutenant Affi N’Guessan, alors qu’il pouvait gagner facilement cette bataille, s’il y mettait la manière. Sur la question, le chantre du fameux dicton « Asseyons-nous et discutons » a préféré filer à l’anglaise et s’engager dans une nouvelle aventure. Aujourd’hui, la question qui mérite d’être posée, au-delà des considérations politico-juridiques, c’est de savoir où va au juste Laurent Gbagbo ? L’homme, on peut l’aimer comme le détester. Dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, il fait partie des figures qui marqueront encore pendant longtemps, la vie politique de ce pays. Il a été l’un des principaux artisans de la lutte pour le retour au multipartisme en Côte d’Ivoire. A 76 ans bien comptés, l’ancien président veut ouvrir une nouvelle page de sa vie politique. Sur ce projet de l’ancien opposant historique à Félix Houphouët-Boigny, notre confrère ‘‘Notre Voie’’, dans sa livraison n°6685 du mercredi 18 août 2021, a publié une pertinente contribution qui plante un décor réaliste sur cette nouvelle aventure de celui qui a marqué la scène politique ivoirienne depuis plus de 40 ans. « En choisissant le divorce d’avec le FPI, monsieur Laurent Gbagbo se tire une balle dans le pied. En se débarrassant du maillot du FPI, il se prive des opportunités de reconversion qu’offre le club à toutes ses anciennes gloires pour services rendus. En choisissant le divorce d’avec le FPI et la création d’un nouveau parti à sa gloire, il semble surestimer ses forces et sous-estimer l’adversité ambiante. Et pourtant, ses années de pouvoir et le contexte national nouveau devraient appeler à plus de circonspection, à plus de sagesse. Et pourtant, l’histoire de l’humanité montre bien que tous les ‘‘Narcisse’’ ont fini dans la rivière (…) Par ailleurs, les séquences 90-2000, 2000 et 2010 du parcours politique de Monsieur Laurent Gbagbo ont leurs interprétations. On dira que beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Monsieur Laurent Gbagbo a vécu et il lui sera difficile, voire impossible de revivre. Disons encore avec les anciens qu’on ne se baigne pas une seule fois dans les eaux d’un même fleuve ». 

A 76 hivernages bien comptés, Laurent Gbagbo ressemble également à Minerve, cette déesse de la mythologie grecque symbolisant la sagesse et la connaissance et dont la chouette ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit. Mais Gbagbo n’est pas le colonel Sanders du Kentucky qui a vaincu la fatalité pour créer à plus de 65 ans, les chaînes de restaurent KFC devenu aujourd’hui un empire et présent aux quatre coins du globe.

A la lumière de cette contribution, l’on comprend aisément qu’à 76 ans, Gbagbo n’est plus un fantassin de la scène politique. Il n’a plus aujourd’hui l’énergie, la verve et les soutiens politiques et idéologiques qu’il avait dans les années 1980 quand il a jeté les bases de la création du Front populaire ivoirien avec son épouse Simone. Ce nouveau projet de Laurent Gbagbo ressemble à une parodie de l’histoire du peuple de Dieu dans la Bible, qui après avoir été arraché des griffes de Pharaon a pu fouler la terre promise. Dans notre cas, Laurent Gbagbo et les siens, après avoir foulé la terre promise du pouvoir et goûté aux délices de celle-ci, décident de repartir dans le désert pour entamer une nouvelle marche faite d’épreuves, de privations, de sacrifices, de douleurs, etc. A 76 hivernages bien comptés, Laurent Gbagbo ressemble également à Minerve, cette déesse de la mythologie grecque symbolisant la sagesse et la connaissance et dont la chouette ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit. Mais Gbagbo n’est pas le colonel Sanders du Kentucky qui a vaincu la fatalité pour créer à plus de 65 ans, les chaînes de restaurent KFC devenu aujourd’hui un empire et présent aux quatre coins du globe. On ne peut pas présager que Laurent Gbagbo va échouer dans son projet de création d’un nouveau parti politique. Or justement, l’objectif d’un parti politique, c’est la lutte pour la conquête et la conservation du pouvoir. Cette lutte, cette conquête et cette conservation du pouvoir se font avec un appareil, des hommes, des stratégies et des moyens. 2021 n’est pas 1982, date de création du FPI dans la clandestinité. Dans les années 1980, Laurent Gbagbo a bénéficié d’un contexte socio-politique favorable où il avait pratiquement avec lui, tous les intellectuels de l’époque qui voulaient des réformes dans la gestion de l’ancien parti unique. Aujourd’hui, nous sommes en 2021. Les paradigmes de la pratique politique ont changé. D’aucuns s’évertuent à dire que les idéologies politiques sont tombées. Dans un tel contexte, comment Laurent Gbagbo, au soir de sa vie, pourra implémenter un nouvel appareil politique qui va se formaliser, se révéler aux Ivoiriens et engager la bataille pour la conquête du pouvoir en 2025 ou peut-être au-delà ? Une chose est certaine : On ne peut pas dénier à Laurent Gbagbo son droit de créer un nouveau parti politique. Mais il n’aura pas ce vent favorable de 1982 qui lui a permis de fonder le FPI. 

Kra Bernard

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