C’est un phénomène par lequel des élèves décident eux-mêmes de se fixer les dates des congés scolaires, au mépris du calendrier officiel et de les imposer à l’administration scolaire et aussi aux autres élèves. En dépit des nombreuses campagnes de sensibilisation et des mesures coercitives annoncées, le phénomène perdure depuis bientôt 15 bonnes années. Et au fil des années, il prend des tournures inquiétantes et tourne au drame dans certaines localités. À cela, s’ajoutent de nombreux dégâts matériels avec les destructions de biens privés et les saccages des commissariats de police et des brigades de gendarmerie. Il faut avoir le courage des mots : la société ivoirienne en général et le système éducatif en particulier, sont malades. Depuis plus de dix ans, les gouvernements et les ministres se succèdent sans véritablement pouvoir endiguer le phénomène. Les raisons évoquées par les élèves pour enclencher ces mouvements, sont tellement farfelues au point où l’on peut légitimement se poser la question suivante : où allons-nous au juste avec ces comportements et quel type de société allons-nous léguer aux générations futures ? Les sages enseignent qu’aux grands maux, il faut les grands remèdes. Comme nous l’indiquions dans un article publié la semaine dernière, malgré les investissements massifs effectués depuis 2011 dans le secteur de l’éducation-formation, l’inaction n’est plus une option, si l’on veut vraiment léguer une société de valeurs à nos enfants et à nos petits-enfants. Mais par où et par quoi commencer pour assainir l’école ivoirienne ? À côté de l’appel à la fermeté recommandée par la quasi-totalité des acteurs et observateurs du système scolaire, il faut aller bien au-delà et dégager la responsabilité de la société dans cette perte des valeurs. Par le passé, la durée des congés des fêtes de fin d’année était plus réduite et les élèves ne partaient en congé qu’à la veille ou à deux jours de la fête de Noël. Aujourd’hui où la durée de ces mêmes congés a quasiment doublé, les élèves estiment que c’est peu. Et pour cela, depuis plus de 15 ans, l’ordre public est troublé et l’on enregistre de nombreux dégâts matériels et des morts.
Les parents ont toujours été et resteront les premiers éducateurs de l’enfant. Ceux-ci ne doivent donc pas rester dans leur zone de confort et accuser le système.
Oui, il faut certes, de la fermeté, sanctionner durement et même radier les auteurs de ces mots d’ordre, mais il faut aller plus loin pour pouvoir combattre le mal à la racine. Dans une contribution abondamment relayée sur les réseaux sociaux et dans certains médias, un prêtre catholique a fait un diagnostic sans complaisance de ce phénomène et a proposé des pistes de solutions. Parmi celles-ci, il a interpellé la cellule familiale où les enfants sont parfois livrés à eux-mêmes. Et pourtant, les parents ont toujours été et resteront les premiers éducateurs de l’enfant. Ceux-ci ne doivent donc pas rester dans leur zone de confort et accuser le système. L’éducation d’un enfant commence par la cellule familiale. L’école n’est qu’un complément. Poursuivant, le Père Marius Hervé Djadji, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a fait aussi le procès de notre société dans laquelle, par le fait des phénomènes nouveaux, les médias, nos autorités politiques et administratives participent à la construction de la société d’anti-valeurs. « Si vous passez le temps à vous afficher avec des médiocres et à honorer les paresseux, si vous soutenez ceux qui affirment que l’école n’est pas importante, si les médias sont devenus des lieux pour démontrer les stratégies d’escroquerie et de recherche de gain facile, si les Miss reçoivent des éloges et plus de dons que les vainqueurs de concours en mathématique ou en droit, il est tout à fait normal que les enfants se donnent des congés en bastonnant les enseignants, puisque la science n’est rien dans ce pays ». Voilà qui est bien dit. Comme on peut le voir, il faut de la fermeté dans les sanctions à l’endroit des élèves qui décrètent les congés anticipés, mais l’on ne doit pas oublier que tout part de la cellule familiale. Les parents qui sont les premiers éducateurs des élèves, doivent donc s’y mettre. Ensuite, il faut cesser de célébrer les anti-valeurs et les faux modèles. C’est seulement à ce(s) prix qu’on pourra commencer à jeter les bases d’une société de valeurs et de normes que chacun veut bien léguer à ses enfants et à ceux qui viendront après eux.
Kra Bernard