Au moment où beaucoup de pays ont décidé de se barricader et de fermer leurs frontières à l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire a accueilli, à bras ouverts, ce pays frère ami dans le cadre d’une visite d’État, entreprise par le premier citoyen de ce pays. Sur la question, les anglo-saxons ont pour coutume de dire ‘‘a friend in need is a friend indeed’’, pour signifier que c’est dans les périodes difficiles que l’on reconnait ses vrais amis. Après avoir œuvré pour la fin de l’apartheid dans ce pays, la Côte d’Ivoire vient à nouveau de mettre en pratique, ce dicton avec la récente visite d’État du président sud-africain, Cyril Ramaphosa. En effet, pendant que plusieurs pays de la planète dont des nations africaines, ont décidé de fermer leurs frontières à la nation arc-en-ciel, à la suite de la découverte d’un nouveau variant du virus de la COVID-19, le pays de Félix Houphouët-Boigny a décidé de recevoir le plus illustre des citoyens de ce pays ami. Ainsi, du 1er au 3 décembre 2021, le président de la première puissance africaine a effectué une visite d’État dans la première puissance de la zone UEMOA. Au moment où l’Afrique du Sud, après la découverte du variant OMICRON est déclarée persona grata à travers le monde, la Côte d’Ivoire, pays de l’hospitalité et de la vraie fraternité, décide de ne pas annuler cette visite déjà inscrite à l’agenda des deux hommes d’État. Pas par insouciance pour la santé des deux peuples, mais par amitié assumée depuis des lustres entre les deux États et aussi dans une synergie d’actions pour lutter contre cette COVID-19 pour laquelle la communauté scientifique continue de se décarcasser. Ce qu’il convient de souligner au lendemain de cette visite d’État de Cyril Ramaphosa, c’est que cette diplomatie à toute preuve entre Abidjan et Pretoria, ne date pas d’aujourd’hui.
Après plusieurs décennies d’isolement du fait de l’apartheid, la Côte d’Ivoire a fait partie des premiers pays africains à avoir établi des relations diplomatiques avec la nation sud-africaine en 1992. Mais, bien avant cette formalisation de la coopération entre les deux États, la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud entretenaient déjà des relations informelles dans un contexte où tous les pays du monde avaient tourné le dos à cette nation. Fervent artisan du dialogue avec Pretoria, le président Félix Houphouët-Boigny avait reçu en 1966 à Yamoussoukro, John Vorster, celui qui incarnait l'apartheid pur et dur. Pas pour le soutenir dans la bêtise humaine, mais attendrir son cœur pour l’avènement d’une société égalitaire dans cette partie de l’Afrique. Toujours dans cette même quête pour la paix dans ce pays, il reçut en 1986, Peter Botha successeur de John Vorster, avant de recevoir encore en 1989, l'homme qui incarnait l'Afrique du Sud nouvelle, Frederik De Klerk, décédé le 11 novembre 2021. Fin tacticien politique et grand négociateur de l’ombre, le président Félix Houphouët avait poursuivi sa politique de dialogue avec les régimes successifs d'Afrique du Sud, en dépit de l'opposition de plusieurs de ses pairs de l’Organisation de l'unité africaine (OUA), aujourd’hui Union Africaine (UA). C’est d’ailleurs, pour cette sollicitude du père de la Nation ivoirienne que le plus célèbre prisonnier du 20ème siècle, a consacré l’une de ses premières visites à sa sortie de prison en Côte d’Ivoire. C’était le 7 novembre 1991. Et quand il a foulé le sol ivoirien, Nelson Mandela n’a pas manqué d’exprimer toute sa gratitude au Bélier de Yamoussoukro. « Nous sommes ici pour remercier le président Félix Houphouët-Boigny pour le soutien qu’il a apporté au peuple sud-africain durant l’apartheid », avait-il témoigné ce jour-là. Tout comme Houphouët Boigny avait entretenu des liens avec les régimes successifs de l’Afrique du Sud sous l’apartheid quand ce pays était ostracisé, Alassane Ouattara a aussi reçu son homologue Cyril Ramaphosa dans un contexte où le monde est en train de fermer ses portes à l’Afrique du Sud. 30 années après le passage de Nelson Mandela en terre ivoirienne, Abidjan et Pretoria continuent d’entretenir des liens séculiers, même dans les périodes les plus difficiles.
Kra Bernard