Économie

Entrepreneuriat : Une start up assigne un opérateur de téléphonie en justice

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Un préjudice d'environ 30 milliards FCFA (Ph Dr)
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Le renforcement de l’encadrement et du financement direct des projets jeunes figure parmi les actions prioritaires du Président de la République. Lors de son message traditionnel à la Nation le 31 décembre dernier, Alassane OUATTARA a promis de faire de l’année 2023, celle de la jeunesse dans le but de renforcer et accélérer le dispositif d'accompagnement des jeunes. Cette volonté manifeste du président Ouattara vient à point nommé, alors que des jeunes sont confrontés à des difficultés, notamment à la mise en œuvre de leur projet ou parfois même leur spoliation.

Comme c’est le cas du jeune entrepreneur, Koffi N’Goran Kouassi Vianney Henri, qui a intenté une action en justice contre la société de téléphonie mobile Orange Côte d’Ivoire. Cette action judiciaire fait suite à un litige dont le préjudice se lève à environ 30 milliards de FCFA.

De quoi s’agit-il ?

Koffi N’goran Kouassi Vianney Henri, jeune entrepreneur ivoirien, avait à l’idée de mettre en place, un projet dénommé E-trafic. Il est porté sur le système de transport intelligent à Abidjan et a pour objectif de faire gagner en temps, les usagers tout en leur faisant éviter les embouteillages. Il permet donc de gérer le trafic en fournissant en temps réel aux usagers de la route, des informations sur le trafic routier via leur téléphone portable ou la radio, ceci afin d’anticiper sur le trajet.

La mise en exploitation d’un tel projet nécessite un lourd investissement et l’informaticien n’ayant pas les moyens pour le faire, s’est lancé à partir de 2017, dans une campagne de recherche de financement. Ainsi, des courriers qui ont été adressés à la BAD, à l’AFD, au PNUD, à la délégation de l’Union Européenne, à la Banque mondiale et au Fonds des Nations Unies pour la Population, sont restées sans suite.

Mais le courrier adressé à la société Orange Côte d’Ivoire en mars 2018, aura une suite favorable, car le jeune entrepreneur est reçu en audience, trois semaines plus tard par le directeur du système d’information et du digital de ladite société.

Un an plus tard, le 25 février 2019, il est invité via mail par la société Lynx Consulting & Management à postuler au programme Visa Orange, un programme supporté par Orange Fab Côte d’Ivoire. Ce qu’il fit. Son projet (E-trafic) sera retenu parmi une dizaine de projets pour être incubé dans les locaux de la société de mai 2019 à novembre 2019, soit 07 mois. Ceci, afin de rendre son projet mature (fiable, bancable et exploitable). Bien sûr, un contrat de confidentialité sera signé le 13 juin 2019 entre la société Lynx Consulting & Management et Kouassi Vianney. Après l’incubation, rien n’a été fait. Silence radio jusqu’à ce qu’en janvier 2020, il reçoive une alerte ainsi libellée : « Fini les embouteillages ! Avec Info Trafic, souscris au #152# à 103 F par semaine et 206 F par mois et reçois sur ton mobile, toute l’actualité routière ». Kouassi Vianney tombe des nues lorsqu’il reçoit le SMS. Il entreprend à son corps défendant, des démarches auprès de la société de téléphonie mobile incriminée.

Confusion ou plagiat, une chose est certaine, ce message reçu venait ainsi de créer une vive réaction chez Kouassi Vianney qui estime que le projet lui appartient et qu’il venait d’être spolier des fruits de ses labeurs.

Il a donc, selon lui, entamé des démarches pour un règlement à l’amiable en tentant de rencontrer les responsables des sociétés Lynx et Orange qui n’ont daigné de le recevoir.

La bataille juridique

Koffi N’Goran Kouassi Vianney Henri est directeur général de SERDERVE (Entreprise de Services et Développement), une entreprise de droit français. Il a donc porté plainte en juin 2021 contre la société Orange devant le procureur de la République de Toulouse (France) sur des faits de « contrefaçon intellectuelle ». Il a été débouté et l’enquête a été classée. Le rapport du procureur révèle que « l’enquête a démontré que l’auteur de l’infraction dénoncée ou relevée croyait légitimement pouvoir accomplir l’acte reproché. Il a ainsi été établi que l’erreur sur le droit applicable a été faite de bonne foi. Dans ces conditions, l’infraction ne peut pas faire l’objet de poursuite judicaire ». Cependant, il recommande de « porter l’affaire devant le tribunal judiciaire du domicile de l’adversaire » si les dommages et intérêts sont supérieurs à 1000 euros, soit plus de 650.000 FCFA.

Il fait donc appel au tribunal du commerce d’Abidjan où le jugement est rendu public le 1er décembre 2022.

Il est débouté et l’affaire est renvoyée à la cour d’Appel de Commerce où l’audience aura lieu le 28 février 2023.

Approché pour avoir leur version des faits, le cabinet juridique de la société indexée, SCPA Dogué-Abbé Yao & Associés, est catégorique. " Je n'ai pas d'informations à ce sujet" nous indique notre interlocutrice.

Avec une relance pour savoir si c'est bien le cabinet qui a en charge cette affaire, elle nous retorque : "ce sont des informations que nous ne pouvons pas vous donner, nous vous invitons à rentrer en contact direct avec la société Orange".

La direction de communication de la Société Orange Côte d’Ivoire, que nous avons joint par téléphone, dans l'après midi de ce lundi, nous informe que sur cette affaire, leur posture est la même que ce qui est paru dans les différents journaux. " Nous nous en tenons aux éléments de justice et du procès qui a été intenté. Au moment opportun, Orange aura une prise de parole qui tient compte de la décision de justice. Nous ne faisons pas de commentaires pour l'instant" nous laisse entendre notre interlocuteur.

La question de l’originalité mise en cause

L’originalité du projet, voici ce que défend l’avocat de Lynx consulting. Joint par téléphone, Me Moïse Diby estime que le produit n’a rien d’original, car le plaignant « se fait passer pour un génie ». Pour lui, la société qu’il défend qui est le centre d’incubation de la multinationale, a fait le travail qu’il fallait, celui d’incuber les projets.

Dans le jugement N°1128/2022 du 02 Juin 2022, la société de téléphonie indique que la notification par SMS est monnaie courante dans ses services. Et révèle qu’elle a conclu en février 2011, un contrat de fourniture de contenus avec une société dénommé REELCOM afin de mettre à la disposition des abonnés en 2012, un service d’information dénommé « Info trafic orange ».

Barthélémy Kouamé, directeur général de REELCOM, nous fait savoir que son entreprise a mis en place, ce projet depuis 2009 avec d’abord « Direct’Trafic de Acturoutes » avant de soumissionner le même projet à l’ex-ONUCIFM en 2010 sur appel à candidature de la radio onusienne pour entreprise capable d’offrir l’« Actualité en Temps Réel et en continu sur le Trafic Routier pour la Cote d'Ivoire et en particulier pour la ville d'Abidjan ».

Pourtant à la fin de la formation, une soirée de restitution a eu lieu au siège d’Orange FAB sis à Cocody 2 plateaux les vallons le Vendredi 22 Novembre 2019.

A cette cérémonie, la directrice d’Orange Fab, Mme Véronique Kouadio, fera savoir (dans une vidéo dont nous avons copie) que ‘’tous les projets présentés n’étaient ni sur le marché, ni en pilote à Orange Côte d’Ivoire.’’

S’il est vrai que la société de téléphonie a signé un contrat avec REELCOM en 2011, d’où est-ce qu’il ressorte que le projet « E-Trafic » soit original pour être incubé en 2019 ?

« Là où Orange n’a pas assuré, c’est qu’elle ne s’est pas renseignée sur l’existence d’un tel projet avant l’incubation. On peut penser que la structure a perdu du temps au jeune homme. Parce qu’en réalité, l’incubation n’est pas faite pour financer le projet. Donc, lorsqu’il reçoit le message du projet que j’ai avec la société de téléphonie, il s’est dit automatiquement qu’il s’agit de son projet. Et pourtant, il ne s’agit pas de son projet. Une entreprise doit maîtriser son environnement. Le plaignant aurait dû prospecter avant de lancer son projet. Il a vraiment fait preuve de légèreté et de naïveté. S’il veut gagner quelque chose dans ce procès, qu’il dise simplement qu’Orange a perdu son temps durant l’incubation », conseille Barthélémy Kouamé.

« Tous ceux qui sont déboutés, n’ont pas forcement tord mais tout dépend de comment l’on présente le dossier », nous fait savoir Me Moïse Diby. Le jeudi 23 février 2023, le délibéré sera rendu par la Cour d’appel du tribunal du commerce. Le Magistrat Hors Hiérarchie, Dr KOMOIN Kouassi Théodore René François, président de la cour, connu pour son intégrité et sa probité, dira le droit, ce jour-là.

Joël DALLY

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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