D’importantes décisions ont été arrêtées vendredi 4 mars 2022 par le gouvernement ivoirien, relativement à la problématique de la cherté de la vie tant décriée par la population. Ces mesures qui viennent pour « préserver le pouvoir d’achat » des ménages, ont été diversement appréciées par des organisations de la société civile.
Dans le courant du mois de février, des voix s’étaient élevées pour décrier la hausse des prix de certains produits dont les denrées alimentaires de grande consommation. Ces mécontentements généralisés sont parvenus au chef de l’État qui, à peine rentré de voyage, a passé des consignes fermes au gouvernement, afin d’apporter des solutions adéquates à la préoccupation des populations. Le président Ouattara a même recommandé à ses proches collaborateurs, de descendre sur le terrain pour se rendre compte de la réalité.
Des mesures fortes face à de grands maux
Quelques jours après les instructions du président Ouattara, il a été donné de voir les membres du gouvernement avec à leur tête, le Premier ministre Jérôme Patrick Achi, se retrousser les manches pour descendre sur le marché. À la suite, des discussions furent engagées avec les associations de consommateurs, acteurs du vivrier et du transport.
De ces concertations, le gouvernement a pris des engagements concernant la subvention partielle des prix des produits pétroliers, notamment le gasoil, pour éviter l’impact sur le coût de la vie, pour un montant d’environ 55 milliards, de janvier à mars 2022. Le plafonnement sur une période de trois (3) mois, des prix de l’huile de palme raffinée, du sucre, du lait, du riz, de la tomate concentrée, de la viande de bœuf et des pâtes alimentaires. L’élargissement de la liste des produits de grande consommation et services, dont les prix sont réglementés.
L’instauration du principe de l’information préalable et de concertation, avant toute augmentation de prix des denrées de grande consommation, pour une période de six (6) mois. La soumission à autorisation des exportations de produits vivriers de grande consommation, notamment la banane plantain, le manioc et dérivés (attiéké, placali…), l’igname, le riz local, afin de garantir la desserte des marchés intérieurs. L’allocation d’un appui financier aux acteurs du vivrier, afin de faciliter l’approvisionnement des marchés. Le démantèlement immédiat des barrages routiers illégaux et l’information des acteurs économiques et des populations sur les barrages réguliers. L’intensification de la communication, en vue d’informer les consommateurs sur les prix pratiqués, la disponibilité des produits de grande consommation, l’évolution des cours des produits et intrants sur le marché international et le renforcement de la surveillance du respect de l’affichage et des prix des produits réglementés.
Promesse a été également faite par Patrick Achi et son équipe de maintenir la veille, tout en assurant de poursuivre les échanges avec les acteurs pour le strict respect des mesures arrêtées.
Les organisations des consommateurs divisées
En dépit des engagements du gouvernement, les avis divergent au sein des organisations de consommateurs et de la société civile. Certaines restent sceptiques quant aux effets probants de ces mesures sur le terrain, tandis que d’autres saluent ces efforts considérables faits pour améliorer le cadre de vie des populations.
Joint par téléphone samedi 05 mars 2022, Issiaka Diaby qui est le Président du Collectif des victimes en Côte d'Ivoire (CVCI), demande à l’État de mener plus d’actions, afin d’aider les populations. « Il a une grande part de responsabilité. L’État et les organisations de consommateurs doivent mener des actions individuelles, puis en commun. Il faut toucher du doigt, les causes réelles des augmentations. Est-ce qu’il n’y a pas de cartels qui s’enrichissent de manière illicite sur le dos des pauvres ? », a-t-il interrogé. Selon lui, les autorités devraient pousser plus loin, les recherches pour détecter les problèmes relatifs à la lutte contre la vie chère. « Il y a des solutions et la lutte contre la vie chère est à tous les niveaux », a renchéri Issiaka Diaby.
Pulchérie Edith Gbalet, présidente d'Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), une plateforme de la société civile, voit en ces mesures, une façon pour les autorités d’endormir les populations. « Déjà en juin 2021, nous avons fait une conférence pour dénoncer la cherté de la vie, le 02 juillet, le Premier ministre est allé sur le terrain à Adjamé pour vérifier les prix des denrées, puis, il a produit un communiqué pour présenter des mesures. Malgré cela, la cherté de la vie s’est accrue jusqu’à ce que nous soyons aujourd’hui, à une grogne généralisée. Cela veut dire qu’il ne suffit pas de prendre les mesures, mais il faut les faires appliquer. La cherté de la vie ne se limite pas seulement à l’alimentation, elle est généralisée, c’est le loyer, la santé…
Il n’y a rien qui n’ait subi une augmentation en Côte d’Ivoire, pendant que le salaire n’augmente pas et des personnes sont au chômage », a-t-elle dénoncé. De son côté, Diallo Alpha Telly, président de la Fédération nationale des acteurs du commerce de Côte d'Ivoire (FENACCI) de Gagnoa, invite l’État à revoir les taxes du marché. « Il y a trop de taxes qui minent notre secteur. On n’en parle pas assez, mais c’est le gros problème. Et les tracasseries sont revenues. Un commerçant prend des articles pour Gagnoa ou San Pédro ou partout en Côte d’Ivoire, est traqué par les forces de l’ordre. Pour le droit des impôts, en guise de sanctions pour impayés, on exige 100 000 F CFA. Toutes les structures de l’État sont devenues des régies financières.
Tous courent vers les commerçants pour prélever des taxes. Quand le commerçant paie les taxes, la répercussion est sur sa marchandise. Les taxes sont trop élevées. Il y a aussi une concurrence déloyale dans notre milieu. Les grossistes font de la surenchère sur les détaillants. Que ceux qui sont grossistes, restent grossistes. Il en est de même pour les détaillants. C’est vrai que nous sommes dans le système de libéralisme, mais il faut que les prix soient affichés pour laisser le client de faire le choix des magasins », a-t-il conseillé.
Le président de la Fédération ivoirienne les consommateurs le Réveil (FICR), Soumahoro Ben N'faly, a un avis contraire par rapport aux autres présidents d’organisations de la société civile. Il a dit soutenir les efforts et la promptitude des mesures du gouvernement. « Le temps nous a donné raison et notre méthode de défendre les intérêts des consommateurs est la meilleure. Nous n’avons pas eu besoin de marches ou des violences verbales pour atteindre cet objectif. Nous avons utilisé une méthode d’approche avec les autorités.
Les cris de cœur ont été entendus et on ne peut que se réjouir de cette ouverture d’esprit du gouvernement. Ceux qui parlent de vaines promesses, font preuve de mauvaise foi, d’ingratitude envers le gouvernement. Des responsables nous ont réunis autour d’une même table, en vue de discussions et arrêter des décisions. On ne pas dire qu’ils sont de mauvaise foi ! Ils font du chantage », a-t-il martelé. Kamaté Mamadou, responsable de KT (Kamaté Transport), a indiqué de son côté que le prix du transport augmente au fil des années, tout en saluant le soutien de l’État pour la subvention promise.
Venance Kokora