Bébi Philip nous ouvre dans cet entretien, les portes de son hermétique jardin composé de rêves, d’ambitions et de célébration de sa dizaine d’années de carrière. De son album ‘’On the track’’ en passant par le passage en force du Zouglou et la succession à DJ Arafat, Mister BBP dit tout à L’Avenir.
Cela fait aujourd’hui pratiquement onze ans que Bébi Philip s’est lancé dans sa carrière d’artiste. Quel bilan faites-vous de ses onze ans de carrière discographique ?
Le bilan est assez positif, même si je l’avoue, je n’ai pas sorti beaucoup d’albums. Cela est aussi une option que j’ai choisie pour ma carrière, parce que préférant la qualité à la quantité. Le premier album est sorti en 2012 et nous sommes au second. Pendant ces années, nous avons su entretenir nos fans et tenir la barre.
Avec si peu d’albums en plus d’une décennie de carrière, est-ce que Bébi Philip n’a pas l’impression d’avoir marqué les mélomanes par ses arrangements que par ses chansons ?
Forcément, étant donné que l’arrangement et la composition musicale sont mes bases. En 2010, lorsque je proposais l’instrumental sur lequel j’ai enregistré mon premier single ‘’Freestyle’’, aucun artiste ne voulait y poser sa voix. C’est ainsi que j’ai décidé de le faire moi-même et Dieu merci, ce single est devenu un hit deux semaines après sa sortie. Après ce premier succès, j’ai certes enchaîné d’autres singles, mais ma passion restait toujours l’arrangement. Du coup, j’étais entre les deux, ce qui faisait que je n’étais pas très constant au niveau discographique. Mais, comme 2020 marquait mes dix ans de scène, j’ai décidé de la marquer par la sortie d’un album. Sinon, effectivement, on a connu Bébi Philip en tant qu’arrangeur, mais également en tant que chanteur pour avoir sorti des titres comme ‘’Baloumba’’ et plein d’autres hits.
Bébi Philip est-il toujours le numéro du couper-décaler, comme il aimait bien à le dire dans ses chansons ?
Pour moi, ce genre de choses ne sont plus trop importantes. Le plus important étant de prendre plaisir à faire kiffer le public. Ce n’est plus une question de place. Tant que ce que je fais plait à mes mélomanes, je suis content. Pour revenir à la question, il m’arrive de répondre souvent à certaines piques, parce que l’Ivoirien aime bien qu’on lui rappelle certaines choses. Sinon, ce n’est pas parce que je veux m’enorgueillir d’être le plus fort, mais par moment, c’est important de faire ce genre de rappel. Je ne veux pas qu’on me manque de respect et je ne veux pas non plus qu’on me classe parmi le lot qu’on connait-là (rire).
Dans votre dernier album en date, l’un de vos titres est ‘’Prophétie’’. A quoi faites-vous allusion dans cette ‘’Prophétie’’ ?
Dans ce titre, je rappelle simplement que lorsque Dieu a tracé un chemin pour toi, personne ne peut le changer. Nul ne détient la destinée d’autrui, on dira. C’est pourquoi, je parle de persévérance, travailler avec passion mais surtout ne pas se détourner de ses objectifs.
Le titre ‘’Prophétie’’ pourrait s’interpréter par le fait qu’en l’absence du ‘’King du couper-décaler’’, DJ Arafat, Bébi rentre désormais dans sa prophétie de numéro 1, n’est-ce pas ?
Chacun a fait son bonhomme de chemin. Bébi Philip également. J’ai été arrangeur et Arafat a été un chanteur couper-décaler qui ramenait du sourire à ses fans et ce sont donc deux chemins différents. Nos genres musicaux sont différents, parce que je fais de la variété. Chacun a donc sa place à prendre, mais surtout, travailler pour s’imposer et se faire remarquer et c’est ce que j’ai toujours fait.
Depuis le décès de DJ Arafat, le couper-décaler peine à décoller laissant toute la place au Zouglou qui lui est très productif. Bébi Philip pense-t-il pouvoir inverser cette donne ?
Moi, c’est la passion d’abord. Et si c’est le Zouglou ou le Rap Ivoire qui prend le pouvoir, c’est la musique ivoirienne qui gagne de toute façon. J’ai d’ailleurs moi-même participé à l’évolution et à la mise à jour du Zouglou, en faisant plein de hits pour des Zougloumen. Je n’ai donc aucun problème. Mon objectif est de faire kiffer les Ivoiriens. Ce sont d’ailleurs les Ivoiriens qui ne sont pas conscients qu’il y a des valeurs qu’il faut pousser. En disant que le couper-décaler est mort, c’est la musique ivoirienne qu’on indexe. Je n’aime vraiment pas cette comparaison des genres musicaux. Je ne suis pas pour la guerre, mais pour la paix et l’entente.
Comment se fait-il qu’après dix ans de carrière, ce sont tes fans qui cotisent pour te permettre d’enregistrer ton album ?
2020 marquait mes dix années de scène et on a été frappé par la Covid-19 qui a tout bouleversé. Et, comme je ne voulais pas subir 2020, j’ai fait appel à mes fans. Produire un album de seize titres, c’est le budget d’un single multiplié par seize. Etant donné que je suis très réaliste et quelqu’un qui n’aime pas vivre au-dessus de ses moyens, j’ai lancé cette opération quand bien même que je savais que les Ivoiriens allaient mal prendre cette idée nouvelle. J’ai pu recueillir près de quatorze (14) millions de F Cfa des fans pour finaliser cet album. J’ai atteint mes objectifs, mais je veux que les gens retiennent l’esprit de solidarité des Ivoiriens à travers cette opération que j’ai lancée. Je ne cesserai jamais de remercier mes fans pour cet élan de solidarité à mon endroit. Sinon, le financement participatif se fait ailleurs.
Pourquoi jusqu’à seize titres sur un album, sachant que le piratage est fort présent en Côte d’Ivoire et qu’il est difficile de vendre facilement ?
Je me devais de mettre tout en œuvre pour arriver à un résultat, c’est la raison pour laquelle que mon album a été enregistré en live. C’est ma particularité d’apporter de nouvelles couleurs et sonorités à la musique ivoirienne. J’ai constaté que les Ivoiriens n’écoutent plus les albums des artistes ivoiriens. Donc, j’ai voulu mettre la barre très haute, car un album s’écoute plus qu’il ne se danse.
Évidemment, cela met une plus grande pression sur les acteurs du couper-décaler habitués aux singles…
En tout cas, j’ai joué ma partition et j’ai fait seize titres dont douze inédits. Celui qui va vouloir parler, qu’il commence à enregistrer pour sortir son album également. Ceux qu’ils veulent faire des singles, c’est leur problème, car moi, je fais des albums. Mais, ça dépend aussi des réalités, en plus que les autres ne sont pas obligés d’avoir la même vision que moi.
Après le décès de DJ Arafat, quelle est la place de Bébi Philip dans le top 5 du couper-décaler ?
Ce n’est pas une question de concours, le couper-décaler. D’ailleurs, je le dis dans mes chansons que je ne cherche pas à être le numéro 1, car je fabrique les numéros 1. Je suis donc un hors-série dans le couper-décaler. Je regarde les autres faire.
Qui peut donc hériter du trône de DJ Arafat ?
Tout est dans le travail. Ce n’est pas dans la bouche, mais par le travail tout simplement.
Quel est le rêve de Bébi Philip ?
Mon rêve, c’est de faire un concert à l’Olympia. Il faut bien avoir des rêves.
Qu’en est-il de ton idylle avec Fatim, ta compagne qui t’avait menacé de te quitter dans le temps ?
Désolé, je ne parle pas de ma vie privée (rire), même si je suis conscient que je reste l’artiste dont le mariage est le plus attendu.
Par Philip KLA