Face à la presse ce mardi 3 mars 2022, Mariam Dao Gabala, la présidente du Comité de normalisation, a fait le bilan de sa gestion du Comité de normalisation de la Fédération Ivoirienne de Football.
Après plus d’un an à la tête de la FIF, vous rendez officiellement le tablier. Quel est votre sentiment ?
Nous avons pris fonction en janvier 2021. Il y avait plusieurs chantiers à examiner pour trouver des solutions. Nous avons lancé le championnat qui était arrêté, en raison de la Covid-19 et de la normalisation. Le championnat a bien fonctionné, même si c'était difficile. Nous avons lancé presque tous les championnats y compris le football féminin durant la première année. La seconde année, nous étions préoccupés par les élections, mais nous avons lancé la Ligue 1, la Ligue 2 et la D3. Concernant les équipes nationales, nous avons eu une place honorable. On aurait pu aller loin. C'est la loi du football. Pour les A, le parcours était en dents de scie. Nous n'avons pas atteint les objectifs assignés qui étaient d'aller le plus loin possible, en quarts de finale de la CAN et se qualifier pour la Coupe du monde. Mais notre équipe n'a pas démérité, car notre seule défaite, c'était face au Cameroun. Le parcours a été exceptionnel en qualification, mais s'est mal terminé. Le reste dépend de l'encadrement et de la qualité du sélectionneur. Nous ne sommes jamais intervenus dans le choix des joueurs, nous ne l'avons jamais influencé. Tout ce dont il avait besoin matériellement, lui a été donné. On faisait avec lui, le débriefing des matches. Nous lui avons certes, fait des remarques, mais c'est lui le sélectionneur. Pour l'équipe féminine A, les filles n'ont pu se qualifier pour les éliminatoires de la CAN 2022.
Vous arrivez, avec un audit sur la gestion du football ivoirien. Comment avez-vous géré cette situation ?
On avait 4 missions et parmi celles-ci, on devait assurer la gestion courante, il était important de faire faire un audit de l'état des lieux. On ne les a pas publiés, parce que nous avons respecté les textes qui les limitaient aux clubs, le ministère de tutelle, la Présidence de la République, la CAF et la FIFA. Ce sont eux qui les ont reçus, les destinataires. Ils ont pris les mesures qui s’imposaient. Nous ne les avons pas fait fuiter. Le cabinet qui a fait l'audit, a fait un communiqué pour dire que le résumé qui a fuité, ne provenait pas de lui, parce que ça ne reflétait pas leurs idées. Sinon, il n'a pas dit que le résumé ou ce qui a été dit dedans est faux. Il y a une nuance.
Dans vos missions, il y avait la mise en conformité des textes de la FIF avec les standards internationaux. Qu’est-ce que cela pourra apporter de nouveau en Côte d’Ivoire ?
Les nouveaux textes nous ont apporté l'ouverture démocratique, notamment avec les commissions indépendantes par exemple. Les parrainages étaient un point pour permettre à tout le monde de candidater. Les nouveaux textes aussi permettent désormais, la transparence.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez dû faire face ?
Les difficultés rencontrées ont été entre autres, la gestion de l'Africa Sports. Nous avons bataillé pour que l'Africa retrouve sa stabilité. On espère que ça va maintenant. Nous avons eu des difficultés dans l’organisation des matches du championnat. Il y en a eu aussi lors du toilettage des textes. Le Professeur Bléou a eu des problèmes avec les clubs votants et même avec les clubs de District et de Région également. C'était assez poignant.
La nuit du 22 au 23 avril 2022 a été particulièrement tendue. Pouvez-vous nous dire ce qui s’est réellement passé ?
L'enquête d'intégrité est quelque chose d'incontournable. À l’assemblée générale, il y avait un groupe de membres actifs qui voulait qu'on s'abstienne de cette enquête. Ce qui n’était pas possible. Mais elle a été votée. Pour faire cette enquête, chaque candidat a rempli le formulaire FIFA. Nous avons envoyé les pièces de tous les candidats à la FIFA. Le 22 avril 2022, les émissaires de la FIFA et de la CAF nous ont dit que les résultats de l'enquête d'intégrité seraient disponibles, mais seulement pour les candidats à la présidence de la FIF pour ne pas qu’on ait des élections sous réserve. On ne pouvait pas avoir les résultats et les garder hypocritement. On cherchait de notre côté, les scénarios pour donner ces résultats aux candidats. Nous les avons réunis dans la salle pour discuter de la question, lorsque tout à coup, on reçoit des appels de certaines autorités pour dire que la Côte d'Ivoire est en feu. On ne comprenait rien. Ça s'est passé devant les membres de la FIFA et de la CAF. On nous apprend alors qu'un des candidats aurait donné l’information selon laquelle nous nous sommes réunis pour décider de l’exclure de la compétition et que ça n'allait pas se passer comme ça. Le représentant de la FIFA était étonné. Nous sommes passés tout proche d’une suspension par les instances fédérales, si l'assemblée générale du 23 avril venait une fois de plus, à être ajournée. L’émissaire de la FIFA nous a dit que si cette assemblée n'a pas lieu, la Côte d’Ivoire serait suspendue. Le représentant de la FIFA a dit à celui qui a créé la zizanie de régler le désordre instauré. Au sommet de l’État, on nous a alors dit de tout mettre en œuvre pour protéger l'assemblée. Nous n'avions aucune volonté d'exclure un candidat. Nous avons pris la décision de laisser les 3 candidats participer à l’élection. La décision avait été prise depuis. On l'a annoncé aux 3 candidats. Aujourd’hui, l'élection du président de la FIF n'est pas sous réserve. Mais les membres de son Comité exécutif sont quant à eux, sous le coup d’une enquête d'intégrité. Yacine Idirss Diallo est définitivement élu. Pour les autres, les résultats seront disponibles très bientôt.
Après avoir dirigé la maison, qu’est-ce qui lui faut pour aller de l’avant ?
Le temps est à la conjugaison des efforts. Il faut que les présidents de clubs regardent l'intérêt du football pour avancer. Le nouveau président ne peut pas travailler sans les autres. Il ne faut pas arrêter de travailler. Il faut l'union autour du football ivoirien. Pas autour d'un individu, car les individus passent, mais autour du sport roi. En tant que fédération de football, il faut comprendre qu’on a un impact sur les gens qui ont envie de voir les choses évoluer. L’impact public est trop grand et la FIF doit être un modèle à tous points de vue. Plus la FIF sera transparente, mieux ce sera. Il faut que le personnel de la FIF se dise qu'on est personnel de la Fédération, parce qu'on rend service au football et pas à un individu. Cela permettra au football de se développer.
Quel commentaire faites-vous des évènements survenus dimanche lors du match LYS-Asec ?
Ce qui s'est passé au Champroux dimanche, est déplorable. Mais c'était prévisible. Il faut de la discipline. Nous voulons des stades pleins, mais dans la discipline. J'ai fait des stades en Europe et j'ai vu que les supporters sont éduqués à supporter. Nous devons être capables d’éduquer notre public. Je pense que la responsabilité est partagée entre les clubs et la fédération. Que le stade soit plein, revive dans l’esprit du Fair-play, c’est ce que nous recherchons.
On a ouï-dire que vous ne vouliez pas partir, votre mission se termine aujourd’hui, comment vous sentez-vous ?
J’ai des activités que j’ai dû suspendre pour venir au CONOR. C’était juste une mission. Je suis heureuse de partir. Aujourd’hui, je comprends ceux qui disaient qu’on ne voulait pas partir. Quand les gens sont partis au TAS, l'un des arguments qui les a fait échouer, c'était que si on met une normalisation en place, les membres ne voudront pas partir. Je dis un gros ouf. La fin est mieux que le commencement. Je ne suis pas passionnée de foot. Si on m’avait dit qu’il y avait autant de violences, peut-être que j’aurais fait machine arrière. Le foot est un monde de déraison où on m'a demandé de mettre un peu de raison. La normalisation a été une expérience humaine, mais aussi spirituelle. C'était une odyssée tumultueuse, palpitante et une très belle expérience. J’ai rencontré beaucoup de personnes, j’ai appris beaucoup. Un manguier qui ne porte pas de fruits, ne reçoit pas de jets de cailloux. J'ai donc supporté tout grâce à ma foi en Dieu. J'ai tenu à cause de ma foi, de ma famille et ceux qui m'ont accompagnée. La troisième chose qui a fait que j'ai été résiliente, j’ai fait le travail pour les femmes. En tant que femme leader, toutes les femmes me regardaient. Elles prenaient les coups que je prenais. Je n'ai jamais pensé jeter l'éponge.
Propos recueillis par Manuel Zako