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Portrait/ De la galère à la gloire : L'ancien bagarreur de rue devenu un crac du taekwondo

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Rien, absolument rien, ne le prédestinait à un tel niveau du taekwondo. Lui-même, dans ses rêves les plus fous, ne s'est jamais imaginé rehausser aussi bien l'image de marque de la Côte d'Ivoire dans le monde, à travers cet art martial venu de Corée. Mais, ne dit-on pas que la valeur de l'homme n'attend point le nombre des années ? Lelou Raphaël Appolos Johnson ou Me Appolos pour les intimes, est un pur produit de la rue. Il doit sa renommée à la persévérance et à son abnégation.

Des coups, il en a pris beaucoup. Mais, à force de croire en ses capacités, en ce qu'il voulait, et à force de travail, le petit gringalet, l'ex-ziguehi, est devenu un grand maître du taekwondo. Non, il n’est pas un prévenu. La vie ne lui a jamais fait de cadeau. Sa gloire, c’est à ses poings qu’il la doit. C’est le 7 avril 1964 à Adzopé qu’il voit le jour. D’origine ébrié, de la circonscription de Bingerville, l’homme a fait ses armes. À 57 ans aujourd’hui, il porte fièrement sa Ceinture noir 6e Dan-WT. Vice-champion au Gala Africain en 1990 ; médaillé de bronze aux 6e jeux africains ; médaillé d’or et meilleur combattant à l’Open de Strasbourg ; entraîneur coach à plusieurs compétitions dont les JO de Singapour en 2010… Les titres, il en a, à la pelle. Tous aussi précieux les uns que les autres. C’est ce qui lui a valu d’être décoré en tant qu’Officier dans l’ordre du mérite national. La plus grande fierté pour Me Appolos, qui est arrivé aux arts martiaux après un véritable coup de foudre. Un véritable déclic L’Amour pour les arts martiaux est né depuis son jeune âge. « J’avais 14 ans. J’étais très mince et j’étais donc la cible de garçons un peu bagarreurs et violents. Mon père qui a fait du judo, m’a fait voir un jour, un film karaté », nous raconte-il. De ce film, il en garde encore fraîchement, le scénario qui a tout bouleversé sa vie. « La famille d’un jeune homme a été décimée. Son père, sa mère et ses sœurs ont été tués. Il a été recueilli par un grand maître de Kung Fu qui lui a enseigné l’art martial. L’enfant a grandi et il a vengé les assassins de ses parents. Ça m’a marqué », avoue Lelou Johnson. La formation de l’enfant, dit-il, « a fait un déclic dans ma tête ce jour-là. Voilà comment moi aussi, j’ai commencé à côtoyer tous les pratiquants que je connaissais ». Devenu puissant, l’ex-maigrichon d’Abengourou, va refaire l’histoire, en donnant l’un après l’autre, des corrections à ses bourreaux. Sa force va désormais, lui permettre d’intégrer une école : celle de la rue. Et là encore, il va se faire respecter. L’époque des Ziguéhis « On ne peut pas vivre la vie, sans côtoyer la rue. Pour aller au marché, à l’école, à nos activités, partout, on doit traverser les rues. Dans les rues, on rencontre les choses de sa génération qu’on épouse et ça nous permet d’avoir des expériences. J’ai commencé à aimer les bagarres au moment où j’ai commencé à maîtriser les arts martiaux. J’ai toujours aimé l’amitié et la loyauté. Je me suis fait des amis dans les rues, certains étaient également des pratiquants. Cet amour des arts martiaux a grandi dans les rues. Vous savez, dans les rues, on y découvre toutes sortes de personnes. On a le libre choix d’être, soit dans le positif, soit dans le négatif », fait savoir le maître taekwondoïste. Lui, il a décidé de regarder vers le positif. « La rue, c’est une expérience de la vie, on tire des leçons et on avance », définitil cette étape de sa vie. « Je suis arrivé dans la rue pour développer mon courage » À l’en croire, les souvenirs les plus marquants qui lui restent encore en mémoire, ce sont ses bagarres. « Je suis arrivé dans la rue pour développer mon courage. Après avoir été la cible des plus forts, je voulais à mon tour être fort. Quel que soit celui qui me provoque, je devais être à mesure de réagir et de me faire respecter. Je m’en sortais grâce aux arts martiaux », brandit-il fièrement. Durant son parcours, notamment au CEG d’Abengourou, le jeune homme s’impose avec les arts martiaux. Ceux qui ont voulu lui tenir tête, l’ont appris à leurs dépens. Cependant, ce n’était pas toujours de gaité de cœur qu’il leur envoyait ses poings, parce qu’il se revendiquait plus protecteur que provocateur. « Ma mission, était d’inspirer les autres. J’ai compris que j’étais un élu. Et les autres pouvaient me suivre. Il y a beaucoup de mes anciens compagnons qui ont quitté la rue sous mon impulsion. Ils ont aussi embrassé les arts martiaux », se réjouit-il. La rencontre avec le taekwondo Après avoir exploré presque toutes les facettes des arts martiaux et écumé tous les dojos des pratiquants, Lelou Raphaël Appolos Johnson fait une autre rencontre qui va lui ouvrir d’autres portes. « À Yopougon, là où je m’étais établi, il a fallu faire un choix. Et celui qui a inspiré ce choix, c’est le Grand Maître, Arsène Zirignon. Il m’a découvert, il a vu mes qualités et s’est mis à ma disposition. Il a permis que j’intègre son cercle et cela m’a beaucoup aidé dans mon évolution avec les arts martiaux. Voilà comment j’ai opté finalement pour le taekwondo », révèle-t-il. Et comme son appétence pour les bagarres le dévorait encore, Lelou Johnson se lance dans la compétition. « À travers la compétition, on peut devenir un grand champion et se faire une renommée internationale. C’était cela aussi mon objectif. Qu’on parle de moi. Je voulais développer ma popularité et servir de modèle pour les plus jeunes. Voilà comment je m’engage totalement et entièrement à cette discipline », nous apprend Me Appolos. Cet engagement le conduit à abandonner ses études en classe de terminale. « J’avais déjà essuyé 2 échecs au probatoire. J’ai donc trouvé ma voie aux côtés de mon Maître Zirignon, qui était mon protecteur. C’est avec lui que j’ai découvert intensément, la pratique du taekwondo », justifie-t-il son choix. Dieu et le taekwondo, les secrets d’une réussite Lelou Raphaël Appolos Johnson le clame haut et fort. Le secret de la réussite, c’est Dieu : « Je faisais beaucoup attention. Pendant que je côtoyais la rue, je faisais tout pour ne pas m’écarter de la voie religieuse. Je défendais, j’assistais, mais jamais, je n’ai agressé les gens. J’étais maître de mon destin grâce à ma croyance en Dieu et ça m’a beaucoup aidé », confie-t-il. À 57, Appolos Lelou se définit aujourd’hui, comme un expert-chercheur en arts martiaux. Dans la pièce qui lui sert de bureau où il nous reçoit, les médailles, les trophées, les diplômes nationaux comme internationaux, l’ont presqu’envahi. Ils sont une kyrielle. Pour le grand maître qu’il est devenu, tous les trophées qu’il a remportés, ont chacun, leur histoire, leur valeur, mais le plus important pour lui, « c’est d’avoir appris la maîtrise de cet art. Avoir participé à des compétitions à travers le taekwondo et d’être aujourd’hui quelqu’un d’important grâce à cet art ». « Après avoir été entraîneur national et formateur, mon objectif était d’éduquer la jeunesse. J’ai toujours voulu être un modèle et c’était l’essence dans ma pratique des arts martiaux. Je voulais être héros, une boussole qui inspire les autres. Aujourd’hui, j’inspire le respect, la réussite », confesse-t-il. Le taekwondo au service des autres En 1991, après le décès de son Maître, Arsène Zirignon, Me Appolos tente de sauver l’institution de son défunt père spirituel et de reprendre les rênes de son école. Il se heurte au refus de la famille biologique. Ce qui va le conduire plus tard, à fonder son propre centre de formation. « À la fermeture de Zirignon sport center, j’ai ouvert mon centre de sport au Plateau en 1995. Je fonctionnais comme j’avais appris avec mon maître. Me Zirignon a développé mon esprit de combativité, de gestion et d’entreprenariat. En 2005, j’ai ouvert Appolos sport Academy et depuis 2012, j’ai ouvert Appolos sport Academy prestige », explique le patron de ladite école. Pour lui, le niveau du taekwondo ivoirien est très élevé. « Nous avons des athlètes qui ont été façonnés par le professionnalisme des entraîneurs. Le taekwondo est la discipline la plus pratiquée en Côte d’Ivoire. Je respecte la contribution de tous les maîtres et de tous les acteurs », se félicite Me Appolos. Au sein de son école, son objectif de formation, dit-il, « c’est l’éducation et non former des gens pour être champions du monde et glaner des médailles. Moi, je forme des champions pour toute la vie. Des personnes pour qui on transforme le mode de vie ». Et quand il ne pense pas au taekwondo, Me Appolos utilise son temps libre pour mener des actions sociales : « Je fais beaucoup de dons. Avec des amis, je recueille des dons que je partage à ceux qui en ont besoin. Cet esprit est né avec le taekwondo et l’essence de cet esprit, c’est Dieu. Si on veut sauver son âme, il faut aimer et partager ». Lelou Raphaël Appolos Johnson contribue en outre, à sa façon, au développement de la Côte d’Ivoire, en offrant ce qu’il a de mieux. Il offre régulièrement des séances de formation gratuite, à des agents de la police nationale, notamment la Police Judiciaire et aussi aux agents des douanes. Certaines personnalités convergent aussi vers son académie, pour se former dans les techniques d’autodéfense. Au rang des artistes, on peut citer Aklane, Tiane, Savan’Alla. Les hommes de médias ne sont pas en reste, à l’instar de Barthélémy Inobo Zozoua, Didier Bléou. « Je coache des personnalités politiques, des ministres, des PDG et souvent, des enfants de présidents de la République. C’est un véritable honneur », applaudit-il. Me Appolos entend laisser des traces. Il a, à son actif, deux ouvrages. Le premier, sorti en 1996, intitulé, « Une nouvelle philosophie des arts martiaux en Afrique », est inspiré de son défunt maître, Arsène Zirignon. « Les psaumes du taekwondo », son dernier ouvrage, est un recueil de ‘’prières’’ à la découverte du monde intérieur.

 

MZ

 

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