On observe une décrispation du front social ces temps-ci. Certains l’attribuent à l’assouplissement des sanctions gouvernementales par le paiement des salaires et l’arrêt des ponctions des meneurs de la grève qui ont été constatés ce mois de novembre ?
Après la grève des 15, 16 et 17 octobre, le gouvernement avait ponctionné des grévistes. La confédération syndicale espoir (CSE, nous avons estimé que les ponctions étaient globalement acceptables. En ce qui concerne la suspension des salaires, nous avions été ahuris du fait qu’à l’issue de trois jours de grève, des salaires soient entièrement suspendus. En plus, le gouvernement a annoncé que la suspension allait se prolonger. Nous avions rejetés cette communication du porte-parole du gouvernement. Aujourd’hui, nous constatons que les salaires suspendus du mois d’octobre n’ont pas été reversés, mais la dynamique de sanction sur laquelle c’était mise le gouvernement n’a pas continué ; et les soldes des camarades ont été rétablis. Ils ont reçu leur salaire à la fin du mois de novembre. C’est un pas positif que nous saluons et il faut éviter de mettre le feu aux poudres. Il avait été annoncé par le gouvernement que les grévistes seraient traduits en conseil de discipline de la fonction publique, nous avions dénoncé cela, mais nous constatons que cette mesure n’a pas été appliquée. Nous saluons cette bonne dynamique du gouvernement. Il faut rester dans la loi et aller à l’apaisement.
Comme on le voit, le gouvernement qui avait affiché une fermeté quant à l’application des sanctions contre les mis en cause a fini par revoir sa copie. Comment analysez-vous cette souplesse du gouvernement moins d’un mois après, ce qui est rare d’ailleurs?
Qu’il soit rare de le constater ou non, nous en tant qu’organisation des travailleurs, nous ne pouvons que nous réjouir de cette bonne dynamique. Quant à savoir ce qui explique cette posture du gouvernement, je ne saurai le dire, puisque je ne suis pas un membre du gouvernement. Mais une chose est certaine, la mobilisation des personnels du secteur éducation-formation est puissante, et je pense qu’il faut éviter d’en rajouter à la tension, surtout que nous allons vers la fin de l’année, toutes les parties devraient pouvoir mettre balle à terre pour aller sereinement aux fêtes de fin d’année. Il y a eu un atelier organisé par le ministère de l’éducation nationale à Grand-Bassam. Ce séminaire a fait des recommandations. Il est bon que le gouvernement regarde ces recommandations dans un environnement apaisé. Mais il appartient au gouvernement de créer les conditions de confiance, parce que c’est la confiance qui peut amener les enseignants à rester très sereins et attendre que cette question de prime qu’ils réclament puisse être traitée sereinement.
Lorsque vous dites que le gouvernement doit créer les conditions de confiance, comment cela doit se matérialiser ?
D’abord les calendriers de discussion qui sont établis doivent être respectés et les discussions ne doivent pas ruser avec les revendications des travailleurs. Il faut ouvrir les préoccupations des travailleurs et voir comment y apporter des solutions. Lorsque les travailleurs posent des problèmes et qu’ils sentent que le problème qu’ils ont posé est accueilli objectivement, ils sont assurés et cela participe à créer un climat de confiance.
Il y a eu un comité consultatif de la fonction publique qui a été mis en place. A ce jour, comment évolue les discussions ?
Je vais vous décevoir parce que mon organisation syndicale centrale espoir a été une fois de plus exclue du comité consultatif de la fonction publique, alors que c’est une organisation qui a du poids sur le terrain. Et son poids ne souffre d’aucune ambiguïté. Nous demandons toujours au gouvernement de tenir compte du poids des différentes organisations et de sortir du communautarisme dans ses rapports avec les syndicats.
Que reprochez-vous concrètement au gouvernement à ce niveau ?
Ce que nous lui reprochons, c’est qu’il choisit ses interlocuteurs sur la base du fait que ses organisations ont accepté la trêve sociale en 2017. Sur cette base, le gouvernement fait en sorte que ces organisations soient désormais ses seuls interlocuteurs en matière de dialogue sociale.
Mais il est évident que tout le monde ne peut pas être à la table des discussions ?
Effectivement, tout le monde ne peut pas être à la table des discussions, mais nous y étions déjà lorsque nous avions été retirés. Nous avons été ramenés tout simplement au comité de dialogue social, qui est un cadre inférieur au comité consultatif. Nous ne sommes pas d’accord, il faut nous intégrer pour que les revendications que nous posons, nous puissions être là où elles se discutent.
Quelles sont ces revendications ?
Je vais vous faire une confidence, la revendication portant prime des enseignants vient de la centrale CSE. C’est la fédération de l’éducation formation et de la recherche de la CSE qui a posé cette revendication, et elle a été adoptée par la suite par toutes les autres organisations.
Soit, n’empêche que les organisations qui discutent avec le gouvernement sont représentatives de l’ensemble des organisations syndicales ?
Je ne vais pas polémiquer sur la question, mais le gouvernement a tous les services de renseignements et de meilleure qualité d’ailleurs. Il sait qui a véritablement le terrain. Notre ancrage ne souffre d’aucune ambigüité. J’en veux pour preuve les mouvements qui se sont passés dans le secteur éducation formation.
La revendication principale des acteurs du secteur éducation-formation est l’obtention de la prime. Si au bout du compte, le gouvernement fait droit à cette revendication, cela signifierait-il la fin du cycle des revendications ?
J’ai toujours dit qu’un accord qui satisfait la partie demandeur est synonyme d’accalmie, jusqu’à ce que la vie elle-même pousse les organisations syndicales à formuler une nouvelle revendication. Si cette revendication des primes est entendue, puisque c’est elle qui agite le front social, il n’y aura plus d’agitation du front social. Les revendications ne se font pas n’importe comment. En un mot, je ne saurai dire que si cette revendication trouve des solutions, il ne peut pas y avoir de grève, mais ce sera un pas significatif que nous allons saluer à sa juste valeur.
Votre centrale syndicale a tenu son premier congrès de sortie officielle en mars 2024. Neuf mois après, comment se porte votre organisation ?
Nous avons des implantations dans le secteur privé et nous continuons de recevoir tous les jours de nombreuses affiliations. Dans le secteur public, nous étions déjà bien installés, puisque notre centrale émane de la CSP qui est une organisation représentative du secteur public en Côte d’Ivoire. Au plan international, nous avons des connections qui sont très fortes. Nous sommes satisfaits qu’après 9 mois, le résultat est bon et encourageant et nous travaillons à l’améliorer.
Réalisée par Ernest Famin