La Côte d’Ivoire a un nouveau Premier ministre. Qu’attendent les consommateurs de lui ?
Nous attendons les premières actions du nouveau Premier ministre. Je voudrais d'abord saluer l'engagement patriotique de Patrick Achi, Premier ministre sortant. Il n'a jamais cessé de nous consulter, à travers ses actions pour le bien-être des consommateurs. Je lui adresse toutes mes reconnaissances dans sa lutte contre la cherté de la vie. Nous attendons la première déclaration du nouveau Premier ministre en faveur de la cherté de la vie, qui était prise à bras le corps par l’ancien Premier ministre. Nous attendons de voir quel engagement il va prendre. Beaucoup de choses sont faites par le gouvernement, mais les consommateurs ne le ressentent pas sur le terrain.
Comment expliquez-vous cela ?
Certainement que la machine est grippée quelque part. C’est pour cela que nous allons bientôt demander les états généraux de la cherté de la vie en Côte d'Ivoire. Nous avons déjà des réponses et des propositions à faire aux autorités pour que des solutions soient apportées à nos préoccupations. Cela permettra au gouvernement de savoir beaucoup de choses dans tous les secteurs, tels que dans le non-respect de la fixation du prix du gaz butane et sa disponibilité sur le marché. Ces états généraux vont s’ouvrir à d’autres sachants. C’est vrai que nous n’avons pas de barrière avec notre ministre du Commerce, qui est d’ailleurs très ouvert à nos préoccupations, mais nous allons ouvrir le débat à plusieurs acteurs. Je ne peux pas comprendre qu’un revendeur de gaz refuse de respecter par exemple le prix homologué. Je ne peux pas comprendre par exemple que les producteurs nous rassurent sur la disponibilité des produits, et que sur le marché, on observe une indisponibilité des produits.
Qu’est ce qui ne va, selon vous ?
C’est la grande question. Il faut que nous nous retrouvions pour crever l’abcès, d’où la tenue des états des généraux de la consommation.
Les sacs de riz ont connu une augmentation qui a été fortement décriée et depuis les choses sont restées en l’état. Qu’avez-vous entrepris pour faire bouger les lignes?
Il y a deux qualités de riz. Les Ivoiriens sont focalisés sur « Oncle Sam et Rizière ». Ces deux qualités sont hors de portée de bien des consommateurs. En tant que président des consommateurs, je n’achète plus ces qualités de riz. J’achète autre chose. Face à la cherté de la vie, nous devons faire preuve de vigilance. Les consommateurs doivent s'orienter vers des produits moins coûteux. Nous devons boycotter les marques de riz qui sont chères. Si ces industriels constatent que leurs produits connaissent une mévente, cela va les amener à diminuer leurs marges bénéficiaires.
Le prix du sucre pourrait aussi connaître une hausse compte tenu de la pénurie qui dure depuis des mois ?
Le ministère du Commerce nous a fait savoir qu'il a eu une rencontre avec les industriels du sucre. Nous sommes toujours dans l'attente. Le sucre est absent dans l'ensemble des magasins. Il ne faudrait pas sacrifier les intérêts des consommateurs au profit des deux entreprises transformatrices qui sont Sucaf er Sucrivoire. C’est pour cela que nous demandons au ministère du Commerce d’ouvrir l’importation pour soulager les consommateurs.
Que reprochez-vous aux industriels du sucre ?
Nous leur reprochons leur incapacité à satisfaire la consommation nationale et leur égoïsme qui consiste à s’appuyer sur le gouvernement en sollicitant une protection des industriels nationaux.
Avez-vous entrepris des discussions avec ces entreprises pour connaître les véritables raisons de cette pénurie ?
C'est avec le gouvernement que nous travaillons. Nous demandons au gouvernement de prendre des dispositions afin d'attribuer des quotas à la production nationale et à l'exportation. Il faut faire un choix entre ces deux entreprises et les intérêts des 25 millions de consommateurs. Le fait que chaque année, l’on revienne sur la même crise, c’est-à-dire l’incapacité de ces entreprisses à satisfaire la consommation nationale, est une raison suffisante pour explorer cette option des quotas.
Le coût du transport a également augmenté avec la récente augmentation du carburant. Que faites-vous pour que cela impacte moins les consommateurs ?
Avant l'augmentation du carburant, nous avons eu une rencontre avec les acteurs du transport. A cette rencontre, nous leur avons demandé de ne pas répercuter cette augmentation sur le prix du transport. Ces derniers ont fait des doléances. Pour le moment, elles sont entre les mains des ministres du Commerce, des Transports, de l'Intérieur et de l'Energie. Ces différents ministres sont en train de travailler pour apporter une solution aux préoccupations des transporteurs. Il y a déjà une préoccupation qui a été résolue. La défense des droits des consommateurs est un sacerdoce. La question de défense des intérêts des consommateurs n’est pas circonstancielle, ni émotionnelle. Lorsque les gens le comprendront, nous irons loin. Le moyen le plus efficace pour lutter contre les augmentations abusives des prix, c’est le boycott. Il faut que les Ivoiriens apprennent à adopter la culture du boycott, pour qu’on puisse régler nos problèmes sans difficulté.
Les consommateurs ne devraient-ils pas être sensibilisés sur la notion du boycott ?
Nous sommes en train de travailler pour sensibiliser les consommateurs. Mais le hic, c’est que les Ivoiriens s'intéressent plus aux futilités sur les réseaux qu’aux problèmes sérieux tels que la consommation. Si vous postez sur les réseaux sociaux qu’un tel ministre a eu des rapports intimes avec une telle personne ou tel artiste a des rapports avec telle artiste, en moins de 5 mn, toute la Côte d’ivoire est informée. Mais quand il s’agit de leur quotidien, des problèmes de consommation qui nous touchent directement, il y a un désintérêt. Je pense que les réseaux ne sont pas faits pour ça. C'est pourquoi, assez souvent, nous ne passons pas par ce canal, parce qu'il y a beaucoup d'émotion. Nous, nous ne sommes pas dans les émotions, mais nous voulons trouver des solutions durables aux préoccupations des Ivoiriens dans la tranquillité et la responsabilité, mais pas dans les injures et les émotions.
Vous avez annoncé les États généraux de la consommation. N’est-ce pas un effet de mode, puisqu’en général, les résolutions restent dans les tiroirs ?
Il y a des sachants qui vont participer à cette rencontre. Nous pensons pouvoir apporter assez de solutions. La consommation n'est pas seulement la nourriture. Il y a la sécurité, la santé, l’environnement etc. En Afrique, il y a un dicton qui dit que tant que vous n'arrêtez pas de marcher, les bras continueront de balancer. Lors de ces assises, nous allons demander que les Cconseils des ministres ne soient plus hebdomadaires, plutôt bihebdomadaires. Et ce, de sorte à appliquer les textes qui sont en faveur des populations avant de passer à d'autres textes.
Réalisée par Ernest Famin