Chaque année à Noël, les chrétiens du monde fêtent la naissance de Jésus. Pour ces derniers, la Noël a donc une connotation particulière. Les églises proposent la plupart du temps, des concerts de chants de Noël avec des expositions de crèches, un décor qui représente la naissance de Jésus avec des petites figurines.
Mais, c'est aussi une fête qui offre l’occasion aux familles, chrétiennes ou non, aux enfants, de festoyer, de se retrouver et de partager.
Les enfants font changer les paradigmes
Dans sa dimension festive, de plus en plus en Côte d’Ivoire, la fête de Noël trouve écho favorable auprès des non-chrétiens, nomment chez les enfants musulmans. Ce 25 décembre 2022, il ne pouvait en être autrement. Dans les restaurants, glaciers, pâtisseries et autres coins chauds de Yopougon, ces bambins ont presque forcé la main à leurs parents pour les y emmenés. Pas question de rester en marge de cette célébration populaire. Ce, malgré les interdits de la religion musulmane. Il est 21h35, ce dimanche 25 décembre 2022. Yopougon, le restaurant ‘’Petit Paris’’ a récemment ouvert ses portes au quartier Maroc Tiken Jah et il refuse du monde en ce soir de Noël. Ça grouille de monde partout. On ne s’entend presque pas. Les travailleurs sont débordés, les commandes affluent. Accompagnés de leurs parents, chacun de ses nombreux enfants espèrent pouvoir déguster sa glace et attend impatiemment.
Koné Soumaïlla est présent aux côtés de sa famille. Fervent musulman, il s’est vu pratiquement contraint par ses enfants de les sortir ce soir de Noël, partager un moment de convivialité. « La Noël, ce n’est pas une fête musulmane, mais elle a pris un autre sens au fur et à mesure. Avec les enfants qui se fréquentent, qui partagent les mêmes valeurs, vont dans les mêmes écoles, il est impossible pour un parent d’empêcher son enfant de ne pas célébrer la Noël », reconnaît-il. Plus loin, Mme Traoré est venue avec ses 3 enfants. Cette mère, musulmane pratiquante, regarde ses bambins déguster leurs plats. « Il est vrai que nous sommes musulmans et qu’on n’est pas censés célébrer la fête de Noël. Mais, il faut plus voir ce jour comme une occasion de se réunir, de partager quelque chose en famille », juge-t-elle.
Irrésistibles aux cadeaux
Quand viennent leurs anniversaires, et surtout en cette période des fêtes de fin d’année, les enfants trépignent d’impatience en attendant le moment de déballer leurs présents. Et qu’on soit enfant de parents chrétiens ou musulmans, cette sensation reste la même. Toujours aussi ardente. Noël, c’est aussi le moment où l’on s’offre des cadeaux. Ces cadeaux sont des marques d’affection vis-à-vis des personnes que l’on aime. Touré Moustapha est croyant musulman et pratiquant. À chaque fête de Noël depuis qu’il est père, il est confronté à la même difficulté. Céder aux désirs de ses enfants qui, comme leurs camarades de classe, attendent ce moment avec impatience, ou appliquer les prescriptions de la religion ? « Les enfants ont reçu leurs cadeaux à l’occasion de cette fête de Noël dans leurs écoles. Nous avons certes, donné de l’argent en guise de participation, mais nous nous sommes limités à ça. Nous-mêmes, nous n’avons acheté aucun cadeau pour offrir, conformément aux prescriptions de notre religion, l’Islam », nous apprend-il.
Les deux enfants de M. Touré fréquentent des écoles qui, à la faveur de cette fête, organisent des arbres de Noël et offrent des cadeaux aux enfants. Dès lors, avouera-t-il, « il devient difficile, voire presqu’impossible de faire comprendre à un enfant de 5 ans, qu’il ne pourra prendre part à cette fête qu’il attend fortement à l’instar de tous ses camarades de classe. J’avoue que c’est difficile. En rigolant je lui dis : "l’imam dit que les cadeaux et la fête de Noël, on n’y prendra pas part". Il m’a répondu en larmes : "l’imam n’a jamais dit ça. Les cadeaux, c’est pour les enfants. Pourquoi mes camarades auront des cadeaux et pas moi ?". Cependant, en tant que parent, nous leur permettons d’y participer, mais tout en leur expliquant ce que dit notre religion. Jusqu’en classe de CM2 ou 6e, je pense qu’ils seront à même de pouvoir comprendre. Pour l’instant, on laisse faire ».
Une question de cohésion et de fraternité religieuse
Pendant cette période de Noël, la question qui taraude beaucoup de musulmans en Côte d’Ivoire, c’est de savoir s’il est permis ou interdit de participer aux différentes célébrations. Et nombreux sont les musulmans qui pensent que la célébration de la naissance de Jésus, et encore plus la célébration de la fête de Noël, est un interdit sacré (haram). Pour Bandé Abdoulaye, imam de la mosquée de Port-Bouët, il faut arriver à dissocier les choses. Car, « il y a la Noël en tant que fête chrétienne et les célébrations qui ont court de nos jours. Nous sommes dans un État laïc, étant donné que nous cohabitons avec nos frères chrétiens et des autres religions, il ne faut pas forcément laisser transparaître qu’on est hostile à la fête de Noël. Nous devons vivre dans la cohésion au travers de nos religions ». Partant de là, explique le guide religieux, « et surtout que nos enfants vivent ensemble, fréquentent les mêmes écoles, on ne peut pas leur interdire de prendre part à la fête et de recevoir des cadeaux.
Pour cela, l’Islam ne tient pas rigueur aux enfants, qui sont considérés comme des êtres inconscients en instance d’apprentissage ». Mais la responsabilité en tant que parents, situe l’imam, « il est de notre devoir de musulmans d’éduquer nos enfants aux pratiques et prescriptions de nos religions. Si le parent lui-même prend part à cette fête, là il s’expose à la rigueur des écrits. L'attitude des parents, c’est donc d’expliquer à leurs enfants, les éduquer et non de les contraindre ou les réprimer. Il faut rester flexible avec les enfants ». Pour les centaines de millions de personnes qui célèbrent cette fête donc, Noël symbolise aujourd’hui l’esprit de partage, d’amour, de la bienveillance, de la bienfaisance et du vivre-ensemble. Par ailleurs, fait-il noter, « si les choses sont devenues ainsi, je pense qu’on n’a pas su créer l’équilibre. Si pendant la fête de Mahouloud, il y avait une réelle ferveur, les enfants recevaient des cadeaux, on aurait pu trouver la solution. Il suffit donc de mettre plus d’attention à l’occasion du Mahouloud », exhorte l’imam Bandé Abdoulaye.
Manuel Zako