Kong, ville située au Nord-Est de la Côte d’Ivoire et distante de 523 km d’Abidjan, présente une fière allure avec ses grandes artères éclairées et bitumées. Ce département, à la lisière du Parc national de la Comoé a été la cible, en Juin 2020, puis en mars 2021, de deux attaques terroristes, précisément dans la localité de Kafolo. Malgré la psychose générale qui s’était emparée de la population, celle-ci de- meure aujourd’hui sereine et dégagée de toute inquiétude. Nonobstant son ancrage dans la tradition islamique à travers les symboles des mosquées historiques, construites sous le règne des Ouattara, dont l’un des plus illustres fut l’Empereur Sékou Ouattara, la cité de Kong vit au rythme des ambiances des grandes métropoles comme Abidjan.
Il est presque 22h00, ce di- manche 23 mai 2021, au lendemain de notre arrivée dans la localité. Un vent glacial souffle sur la cité historique. Une colonne de trois cargos militaires, en provenance de la voie menant au village de Nassian (30 km de Kong), point d’entrée principale de la ville, avec à son bord des éléments des Forces armées de Côte d’Ivoire (Faci), lourdement armés. Ils foncent tout droit vers le centre-ville. A cette heure, des motos-taxis parcourent la voie principale conduisant au carrefour du mar- ché central. Des jeunes, amassés à l’un des côtés de la voie, sur le prolongement de celle menant à la Préfecture, s’adonnent à cœur joie, à des jeux sous un grand manguier. Pendant ce temps, leurs aînés, en groupes restreints, devi- sent sous des lampadaires.
Des forces de l’ordre visibles partout
Ils ont l’air plutôt taquins avec leurs chéries du soir. Nous les sa- luons avant de poursuivre notre randonnée. Des éléments de la gendarmerie nationale, armes en bandoulière, sont positionnés à certains carrefours sur le long de la route. Chose qui nous rassure davantage dans notre quête de dé- couvrir Kong by night dans toutes ses facettes.
‘’Les noceurs au rendez-vous’’
Une vingtaine de mètres plus loin, sur le flanc gauche de l’artère principale, des jeunes filles sont assises à l’entrée d’un maquis (buvette à ciel ouvert ; Ndlr). Elles nous interpellent. L’une d’entre elles, apparemment enceinte, tient un gamin de moins de trois ans sur ses pieds. ‘’C’est son fils’’, nous lance sa copine sur un ton de raillerie. Elle nous propose à manger. Le menu qui nous est proposé est du poulet piqué cuit à la vapeur. Cela nous convient. L’estomac aux talons, nous nous empressons de passer la commande. Un serveur de nous indiquer que le dernier poisson a été commandé. Nous faisons un tour à l’intérieur du maquis. Des clients échangent tranquillement autour de quelques bouteilles de bière.
Une jeune dame, en tenue légère, laissant transparaître sa belle silhouette, marque un arrêt à notre niveau. D’un regard furtif, elle nous observe de travers tout en murmurant des phrases à peine audibles. Mon accompagnateur et moi, surpris par ce regard ‘‘mépri
sant’’ de la demoiselle, finissons par nous rendre compte qu’elle était ivre. La serveuse du maquis nous fait savoir que c’est une fille de joie. Un tour de table et nous reprenons notre virée nocturne. A u carrefour du marché, les sons infernaux des décibels contrastent avec l’am- biance du maquis Prestige. Nous sommes à l’espace ‘’la détente’’, logé au 1er étage d’un immeuble R+1. A cette heure de la soirée, le coin grouille de monde. En té- moigne la présence de nombreux motos stationnées au rez-de- chaussée.
Les chansons en vogue des ar- tistes ivoiriens et internationaux ont pris le pouvoir sur les platines du disc-jockey (Dj). L’ambiance est électrique en haut, tandis que la sécurité est garantie au rez-de- chaussée par les forces de sécu- rité. Au parking, un pick-up de l’armée de terre est stationné, avec à son bord des hommes en armes. Le contraste de la ville de Kong connue comme une cité à 90% islamisée est saisissant avec cet en- vers du décor matérialisé par la présence d’une dizaine de maquis. Du côté du pont du marché prin- cipal, des vendeuses de denrées alimentaires installées sur le prolongement de la voie, sont littéralement envahies par les clients. A la place de la grande mosquée his- torique, non loin de l’hôpital général, l'ambiance est moins chaude. Des habitants du quartier, pour la majorité membres des familles Ouattara, Barro, Sanogo, Konaté..., assis à l’entrée de leurs résidences, hument l’air frais qui souffle sur la cité. Un peu plus loin, sur la voie menant vers le département de Dabakala, un checkpoint des forces de défense et de sécurité filtre le pas- sage des voyageurs.
‘’Les forces de l’ordre veillent au grain’’
De retour sur nos pas, nous accé- dons au quartier résidentiel. La présence des bases des forces mixtes de l’armée ivoirienne ras- sure à tout point de vue. Nous achevons notre tournée dans un restaurant tenu par des jeunes filles.
Un groupe d’éléments de la maré- chaussée ivoirienne, venu se res- taurer, commente la sanction infligée à leurs benjamins de l’école de gendarmerie d’Abidjan. Pour rappel, ces derniers se sont illustrés négativement en baston- nant des civils à leur sortie de l’école. En guise de sanction, ils ont été contraints à parcourir la distance de plus de 300 km entre l’école de gendarmerie d’Abidjan et celle de Toroguhé de Daloa, en passant par Yamoussoukro, la ca- pitale politique.
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"Le Sous-préfet sur le terrain la nuit"
Il est presque 00H00. Nous pré- sentons nos civilités à nos voisins d’un soir, avant de prendre le che- min du retour. La présence d’un véhicule de type 4x4 blanc avec une immatriculation jaune du mi- nistère de l’intérieur et de la sécu- rité, attire notre attention. Nous entendons son occupant qui don- nait des conseils à des jeunes assis à l’entrée d’une résidence. « Vous savez que la situation sécuritaire est sensible. C’est pour vous protéger que les forces de sécurité sont là. Quand on vous voit au téléphone à cette heure tardive dans la rue, ça peut attirer l’attention des militaires », leur lance-t-il. Puis, le véhicule nous suit jusqu’à notre dortoir. Renseignements pris auprès des vigiles de l’hôtel, il s’agissait du Sous-préfet de Kong. Selon ceux-ci, le commandant aurait l’habitude de sillonner nuitamment les rues au volant de son véhicule pour certainement, mesurer le niveau de sécurité de la ville.
Olivier YEO, Envoyé spécial à Kong