La forte pluie qui s’est abattue sur le District d’Abidjan dans la nuit du lundi 20 au mardi 21 juin 2022, a semé tristesse et désolation dans la commune de Bingerville. L’Avenir est allé sur les ruines laissées par la folle pluie dans des familles. Reportage.
Il est un peu plus de 10 h 45 mn, quand nous nous rendons à la Cité CIE de Bingerville, un quartier qui doit son nom au Centre des métiers de l’électricité avec lequel il partage une proximité de longue date. Un jour seulement après le passage de la pluie, le quartier est méconnaissable, le décor est insoutenable. Certains habitants, encore en état de choc, ont décidé de partir. À cet effet, des tricycles, des véhicules de ramassage, ont été sollicités pour faciliter le déménagement. D’autres par contre, ont choisi de rester et braver d’autres intempéries. Ces derniers font le grand ménage pour sauver ce qui reste des meubles. Les femmes sont à la tâche pour remettre de l’ordre. Elles sont soutenues par des parents ou amies venues à leur rescousse.
Une famille toujours sous le choc
Un tour dans le quartier, nous a permis de toucher du doigt, le drame qu’ont vécu les habitants de ladite cité. Les traces de l’eau sont toujours visibles. Maisons inondées ou effondrées, poteaux électriques déracinés… rien n’a pu résister au torrent dont on ignore la provenance. Pour ce qu’il nous a été donné de constater, les torrents d’eau ont débordé le grand caniveau construit pour faciliter le passage des eaux de ruissellement. Cela a été fatal aux habitations se trouvant sur leur passage. Plusieurs ont été détruites ou inondées. Malheureusement, on enregistre le décès d'une fillette.
Il a également été découvert, dans la Cité CIE, le corps sans vie d'un adulte, qui aurait été pris au piège dans son véhicule qui n’a pu se libérer de la puissance des eaux de ruissellement. Dans les décombres des maisons qui se présentent à nous, se dresse une bâtisse encore debout : elle appartient à la famille Danté.
Lorsque nous franchissons la porte de la concession, nous sommes conduits au salon de la maison à moitié détruite. C’est un père de famille dévasté que nous trouvons assis à même le sol. C’est qu’il a perdu l’une de ses filles suite à cette folle nuit suivie de la journée de pluie du mardi. Pour la circonstance, il est soutenu par des amis qui se tiennent à ses côtés et le réconfortent comme ils peuvent. « Rien ne peut contre la volonté de Dieu. Il a donné, il a repris. Que son nom soit glorifié ! », lui répètent-ils inlassablement en Malinké. Quelque peu occupé par les visites, c’est le fils aîné, Danté Moustapha, âgé de 36 ans, qui nous donne les nouvelles, la voix nouée par la douleur.
« Nous avons été surpris par l’eau, tard dans la nuit. L’eau s’est infiltrée petit à petit. Nous avons entamé les évacuations. Un moment donné, la pression de l’eau était tellement forte que les maisons ont commencé à s’écrouler. Face à la montée de l’eau, nous sommes tous montés sur la toiture de la maison. C’est après que l’un de mes frères m’a informé qu’il ne voyait pas notre petite sœur. Nous sommes descendus pour effectuer les recherches. Elles ont été infructueuses. C’est le matin aux environs de 8 h que nous avons été informés de la découverte d’un corps. Nous nous sommes dépêchés sur les lieux et grande a été notre surprise de voir le corps de ma sœur. Nous l’avons amenée à la mosquée avant de procéder à l’enterrement. Elle avait 15 ans et se nomme Danté Fabilati. Elle était admise en classe de 4e », a-t-il témoigné.
Comment tout est arrivé
Lorsqu’il a repris des forces, notre interlocuteur a soutenu que l’eau de ruissellement qui a causé du tort à plusieurs familles, notamment la leur, provient de différents endroits.
« Tout est dirigé sur nous depuis le carrefour CIE. L’eau provient de différents endroits : du Lycée garçons de Bingerville, des villages et d’autres quartiers d’Abidjan. Un grand caniveau a été construit, mais cela ne peut pas faire grand-chose. Lorsque nous étions sur le toit, nous avons vu que l’eau qui venait n’était pas du jeu. Il faut trouver un autre moyen pour canaliser ces eaux. Le gouvernement était ici pour constater les dégâts. Donc, nous espérons qu’une solution sera trouvée pour la canalisation des eaux », a-t-il insisté.
D’autres témoins issus de la famille éplorée, nous ont également partagé le calvaire qu’ils ont vécu dans la nuit du lundi au mardi dernier. « Lorsqu’il pleuvait, l’eau a commencé à sortir des carreaux. Au moment de nous en rendre compte, l’eau avait pris une hauteur de deux mètres. Toute la maison était submergée. Nous avons grimpé sur le toit et sécurisé d’autres membres de la famille dans la grande cour. Notre petite sœur s’était agrippée à un mur qui a fini par céder. Du haut de la toiture, nous nous sommes aperçus que le courant de l’eau était très fort. Il fallait vivre la scène pour comprendre », ont-ils confié.
Pour le père Danté, les dégâts sont énormes. « Non seulement, j’ai perdu ma fille mais toutes mes affaires. Tous les documents, tous les efforts de ma vie ont été emportés par l’eau », a-t-il raconté.
Venance KOKORA