« La Côte d’Ivoire a reçu 60 millions de Fcfa au titre du fonds vert »
Juriste immobilier et énergie à l’Agence nationale française pour l’information et le logement, Mathieu Gaudet préside l’association SAPERE AUDE depuis 2018. À quelques jours d’un forum sur la transition écologique et le développement durable prévu pour le 10 février 2022, il s’est prêté aux questions de L’avenir.
Pourquoi un forum sur la transition écologique et le développement durable maintenant et à Abidjan ?
Nous organisons ce forum pour contribuer à une prise de conscience, par la société, de manière verticale, donc de bas en haut, de l’urgence écologique, et cela par une démocratisation des termes de transition écologique et développement durable par des experts volontaires. Plus spécifiquement, il s’agira de s’approprier le vocabulaire, se réadapter et générer de nouvelles pratiques vertueuses. Pour notre organisation, nous devons tous nous mettre en ordre de marche. C’est pourquoi, elle initie gratuitement ce forum qui sera un moment d’échanges.
À quoi les participants doivent-ils s’attendre au cours de ce forum ?
Les participants auront le privilège de bénéficier d’un partage de connaissances avec des experts sur différents volets de la durabilité et de la transition écologique : la parole sera libérée et il y aura une session de questions/réponses en fin de séance. L’objectif principal, c’est d’éduquer, expliquer, pour comprendre et changer nos habitudes afin de préserver ce bien ultime qui est notre environnement.
Qu’implique la notion de transition écologique ?
La surexploitation des ressources, les pollutions et l’accumulation des déchets ont des impacts négatifs sur l’environnement, les milieux naturels sont perturbés et s’appauvrissent. Leur surface diminue, car la population augmente et a besoin de plus de place. Par ailleurs, la qualité de l’eau, de l’air, des sols se dégrade, la biodiversité diminue. C’est pour apporter des réponses à ces préoccupations que des accords internationaux dont ceux de Paris ont été signés, avec pour finalité de passer de la surexploitation à une exploitation juste et mesurée des ressources. De là, découle la notion de transition écologique. Par transition, il faut entendre un lien qu’on établit pour passer d’un point A au point B (BROWN TO GREEN). Donc, la transition écologique est le nouveau cahier de charges pour réduire notre impact sur la terre et ses ressources.
La Côte d’Ivoire a-t-elle un problème de transition écologique ?
Tous les pays ont un problème de transition écologique, surtout les pays occidentaux qui essaient de sortir de plus d’un siècle d’utilisation d’énergies fossiles et d’activités anthropiques destructrices. La Cote d’ivoire, quant à elle, doit faire face à certains problèmes : l’insuffisance d’utilisation des énergies dites renouvelables ; le manque de régulation des forêts qui sont des puits de CO2 et donc régulatrices de la température ; l’utilisation anarchique du plastique ; le défi de l’urbanisation galopante. Ce qui conduit à la congestion des villes et à l’artificialisation des sols, laquelle est l’une des causes des inondations, sans oublier les transports, grands émetteurs de CO2. La transition écologique demeure donc un défi majeur en Côte d’Ivoire.
Il sera question d’énergies renouvelables au cours de ce forum. Qu’entend-on par énergies renouvelables ?
On désigne par énergies renouvelables, les types d’énergies dont les sources ne s’épuisent pas ou se reconstituent rapidement à l’inverse des énergies fossiles qui mettent plusieurs millions d’années à reformer leurs stocks. Il s’agit de l’énergie solaire, hydrique, l’éolien, la biomasse et l’hydrogène ou dihydrogène, sous certaines réserves.
Quelle est, selon vous, la part des énergies renouvelables dans la satisfaction des besoins en énergie des populations en Côte d’Ivoire ?
Les pays situés sous l’équateur comme la Côte d’Ivoire, bénéficient d’un ensoleillement important, la part de l’énergie solaire doit donc y être importante. D’autre part, nous avons de nombreux déchets végétaux qui doivent pouvoir servir à faire du biogaz tout en faisant attention à la méthanisation avec un risque de production massive de CO2. Mais, il est de bon sens de privilégier le mix énergétique, donc de ne pas dépendre d’une seule source d’énergie et d’en faire une utilisation intelligente.
Il sera également question de finance verte au cours de ces échanges. De quoi s’agit-il ?
De nombreux types de produits et services financiers de dette et de capital peuvent être utilisés pour lever des capitaux pour des projets qui dégagent des rendements positifs pour la biodiversité, en plus des rendements financiers pour les investisseurs. De là vient le concept d’investissement d’impact avec les principes d’investissement responsables (PRI) qui ont ouvert la voie à certains produits financiers verts tels que les obligations vertes, les prêts verts et le capital vert. Ces produits sont des possibilités de financement mobilisables par des entreprises ou par l’État. Certains écueils à son utilisation doivent être résolus en dépit de fortes sommes disponibles.
La Côte d’Ivoire en a-t-elle bénéficié jusque-là ?
La finance verte, via le fonds vert pour le climat, a octroyé en 2015, 12 millions de dollars, soit 60 millions de Fcfa à la culture durable du cacao à la Côte d’Ivoire. La Cote d’Ivoire est le quatrième pays africain à organiser des conférences institutionnelles pour la mobilisation de fonds verts en vue de développer la transition écologique.
La RSE est également l’un des thèmes majeurs de ce forum. Qu’est-ce que c’est au juste ?
La RSE se définit comme étant la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). C’est la contribution des entreprises au développement durable, notamment à travers la mise en place de bonnes pratiques (ex : promotion du bien-être des collaborateurs). Cela suppose une remise en cause du business model pour le rendre compatible avec la lutte contre le changement climatique ou une gestion durable de la biodiversité. Une entreprise engagée dans une démarche RSE va, par exemple, intégrer des objectifs sociaux et environnementaux dans ses statuts. Mieux, il va mettre en place, des mesures de surveillance qui permettent de prévenir les risques environnementaux et sociaux tels que les violations des droits humains et de gouvernance comme la corruption. Par ailleurs, l’entreprise peut faire un reporting extra-financier ou une déclaration de performance extra-financière (les DPEF).
N’est-ce pas un concept de plus pour faire chic, comme le vocabulaire économique sait en produire souvent ?
Il peut être facile de se laisser embarquer par la multiplication des termes, mais l’élément à garder en tête, est la « durabilité ». Autrement dit, ce qui dure, reste longtemps et en bon état. Et cela concerne aussi bien les salariés, l’énergie que les composantes de l’environnement. La RSE n’est donc pas un terme fantasque.
Quelle est la réalité de la RSE en Côte d’Ivoire ?
Dans notre économie en mutation, la RSE rencontre de nombreux défis. Mais la tendance à la globalisation implique un alignement de pratiques vertueuses, donc les entreprises nationales doivent s’impliquer pour ne pas se voir fermer la porte pour insuffisance de données RSE, lorsqu’elles voudront lever des fonds. Valoriser l’image et le positionnement de l’entreprise auprès de ses clients grâce à une démarche environnementale raisonnée. Il faut mettre en place, dans les entreprises, un plan de transition sectorielle, quantifier les impacts sur les coûts de production, évaluer les besoins d’investissements et analyser les mutations en emplois.
La Côte d’Ivoire va abriter bientôt, la COP 15 au cours de laquelle il sera question de déforestation. Le forum que vous organisez a-t-il un lien avec cette COP ?
Les COP, conférences des parties, sont des évènements à visée de sensibilisation avec à la clé, des engagements pris par les signataires dans un but de convergence. Notre forum s’inscrit lui, dans la sensibilisation de toutes les couches sociales, car la transition écologique est une affaire de tous.
Aucun thème du forum n’aborde explicitement la problématique de la déforestation. En sera-t-il question au cours de vos échanges ?
La déforestation et la désertification sont des conséquences de mauvaises pratiques comme la prolifération des cultures de rente qui engendre la destruction de la biodiversité et la pollution des nappes phréatiques du fait de pesticides. Ou encore l’abattage du bois : 2m3 d’arbres abattus pour produire 1m3 de grumes ; ou les opérations immobilières galopantes en ville, au détriment, bien souvent, des espaces verts. Lors de notre forum, il sera question de préservation de la biodiversité, de bonnes pratiques à avoir et des systèmes de financement vert possibles pour la préservation de l’écosystème.
Quelles pistes de solutions avez-vous pour résoudre l’équation de la déforestation en Côte d’Ivoire ?
Il semble évident que la déforestation soit en lien direct avec une volonté de création de revenus. À partir du moment où de nouvelles sources de revenus seront possibles à travers le solaire ou autres en zones rurales, il sera possible de préserver la forêt. Il est aussi possible pour des propriétaires de forêts d’obtenir des compensations financières en préservant la forêt. Pour finir, le reboisement est à la portée de tous, de l’école primaire jusqu’à nos domiciles. Et l’État doit s’impliquer davantage.
Selon vous, ceux qui font le plus avancer la cause du développement durable, sont-ils ceux qui en parlent ou théorisent là-dessus ou ceux qui apportent des réponses technologiques aux problèmes engendrés par les changements climatiques ?
Pour avancer, on a besoin de tout le monde, les organisations de la société civile, les collectivités, les écoles, l’État…tout le monde doit pousser dans le même sens. Mais nous insistons sur l’information, car sans elle, nous ne pouvons décider en tout état de cause. Notre association SAPERE AUDE, en français OSE SAVOIR, se donne pour mission de sensibiliser les populations pour une transition durable.
Réalisée par Assane Niada