Le secteur de la santé est en proie à des convulsions depuis quelque temps. Après la récente grève du personnel soignant, voilà que la corporation des médecins est secouée par une crise concernant le Conseil national de l’Ordre des médecins. De quoi s’agit-il ?
Faisant droit à leurs revendications récurrentes, le gouvernement a fini par prendre, en 2007, une loi portant création du Conseil de l’Ordre des médecins. Seulement voilà, le fonctionnement dudit Conseil est décrié par des cadres de la santé. Selon les contestataires, les médecins qui président aux destinées de l’Ordre des médecins depuis sa création, ne sont plus fondés à le diriger aujourd’hui, leur mandat étant arrivé à expiration depuis. De fait, à en croire Dr N’go Innocent, ceux qui dirigent le Conseil sont dans l’illégalité. « En 2011, après 6 années d’exercice, le mandat du Conseil national de l’Ordre est donc arrivé à terme et au sens de la loi en vigueur, on devrait procéder au renouvellement de cet organe. Le Conseil national a indiqué ne pas être en mesure d’organiser l’élection au motif que les conseils départementaux n’avaient pas été constitués et installés », avance-t-il.
Les raisons de la fronde
Face à cette situation, renchérit-il, au nom des contestataires, des mesures transitoires avaient été arrêtées de commun accord. « Pour éviter un vide juridique, un consensus a été trouvé avec l’ensemble des médecins pour donner un délai supplémentaire de 3 ans au Conseil sortant pour installer les conseillers départementaux, afin d’élire le nouveau Conseil national et achever la mise en place de l’ensemble des structures de notre Ordre », souligne le porte-voix des frondeurs, qui avait à ses côtés, leurs avocats.
Pour traduire dans les faits, ce consensus, poursuit Dr N’go Innocent, une assemblée générale s’est tenue en 2014 au cours de laquelle, il a été demandé au Conseil sortant d’achever l’installation des délégués départementaux afin que soient désignés les nouveaux dirigeants de l’Ordre des avocats. « Malgré l’installation de 16 conseils départementaux sur 19 prévus, l’élection du nouveau Conseil national ne s’est jamais tenue jusqu’à ce jour », déplore le plaignant. Ce qui va conduire des médecins à faire une pétition pour dénoncer une situation d’illégalité et même ester en justice.
S’ensuivra alors, la convocation d’une assemblée générale le 31 juillet 2021. À l’occasion, il a été décidé que soit convoquée, une assemblée générale le 30 octobre pour élire de nouveaux membres du Conseil national, sur la base des anciens textes adoptés en 2004, lorsque plusieurs organisations professionnelles de médecins avaient décidé d’élire, pour 6 ans, les 8 membres du tout premier Conseil. « Lancé le 1er octobre 2021, le processus électoral devant permettre la désignation des nouveaux conseillers a été interrompu, sans aucune concertation, en raison de l’avènement de la nouvelle loi », peste Dr N’go Innocent. Tirant les conséquences de ce coup d’arrêt porté au processus électoral, lui et les avocats des protestataires, estiment que « toutes les décisions qui sont prises en dehors de ce cadre sont manifestement nulles et non avenues ».
La position du Conseil sortant
Interrogée sur les récriminations de leurs confrères, l'équipe dirigeante du Conseil national de l’Ordre admet qu'il avait été effectivement convenu, lors de l'assemblée générale du 31 juillet 2021, qu'il serait procédé à l'installation des conseils départementaux et, in fine, à l'élection de nouveaux conseillers nationaux au cours d'une assemblée générale élective, fixée au 30 octobre 2021.
Mais, souligne le président du Conseil de l'Ordre sortant, Dr Aka Florent Pierre Kroo, il avait été également précisé que, si d’ici là, la nouvelle loi portant création du Conseil national de l'Ordre des médecins venait à être promulguée, alors l'assemblée prévue le 30 octobre serait purement et simplement annulée. C'est ce qui a été souligné par le magistrat présent ce jour-là et approuvé par tous. « Cela est mentionné dans le procès verbal ayant sanctionné cette assemblée générale », argue Dr Fayé Essetchi, trésorier général du Conseil.
D'ailleurs, soulignent en chœur plusieurs membres de l'équipe dirigeante sortante, l'article 61 de la nouvelle loi est clair là-dessus : « Jusqu'à la mise en place effective des instances prévues par la présente loi, au plus tard dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, le Conseil national de l'Ordre continue d'exercer ses fonctions et attributions conformément aux dispositions en vigueur », dispose ledit article.
Se fondant là-dessus, le président sortant, Dr Aka, martèle : « Dès lors que la nouvelle loi est promulguée, elle abroge les dispositions antérieures. Or, la loi a été promulguée, et mieux, publiée dans le journal officiel le 15 octobre 2021. Du coup, tout ce qui avait été arrêté à l'assemblée générale du 31 juillet, notamment la tenue d'une assemblée générale élective le 30 octobre, devenait caduc. C'est l'article 61 de la nouvelle loi qui le dit. Mais comme nos camarades sont passéistes, ils soutiennent le contraire ».
Lui et ses pairs du Conseil national sortant, disent avoir été assignés en justice mais s’en remettent à la loi. « L’Ordre des médecins n’est pas une association comme les autres. Elle est régie par la loi. Ce ne sont pas les membres qui la gèrent. Le seul médiateur entre eux et nous, c’est la loi. Il faut qu’ils s’y tiennent », coupe Dr Fayé.
Assane Niada