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Interview / Drépanocytose : Dr Youssouf Diomandé (médecin généraliste) : « Une personne bien traitée peut vivre jusqu’à 50 ans »

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Dr Diomandé Youssouf exhorte les couples à faire le dépistage de la drépanocytose pour éviter de faire des enfants drépanocytaires. (Ph : DR)
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Dr Youssouf Diomandé, président du réseau des médecins volontaires de Côte d’Ivoire (RMVCI), est médecin généraliste. Dans cette interview, il aborde plusieurs facettes de la maladie, dont la durée de vie des drépanocytaires et recommande fortement le dépistage des personnes en couple.

Quelles sont les causes de cette maladie ?     

Cette malformation se retrouve dans la chaine protéique de la structure du globule rouge. Cette chaine protéique va subir des modifications au niveau des acides aminés qui la constituent. Celles-ci vont ensuite donner une protéine modifiée qui sera à l’origine de la malformation de la structure du globule rouge. 

L'alimentation n'est donc pas une source de la maladie ? 

Non, il n'y a pas de causes alimentaires connues de nos jours.  

Cette maladie se présente sous plusieurs formes

La drépanocytose se présente sous combien de formes ? 

Cette maladie se présente sous plusieurs formes. Nous allons retenir deux types majeurs. Il y a la forme asymptomatique. Ce sont des personnes qui sont drépanocytaires,  mais qui ne font pas la maladie. Ce sont des porteurs sains. Il y a la deuxième dite forme grave. Il s'agit des personnes qui sont porteuses de drépanocytose, et par conséquent, vont faire la maladie. Chez ces dernières par contre, elles présenteront des signes de la maladie. Il faut préciser que pour le cas de ceux qui font la forme asymptomatique, même si elles ne font pas la maladie, ils peuvent transmettre la maladie à leurs progénitures. 

Ce syndrome se caractérise par les enflures des pieds et des mains du nourrisson qui deviennent rouges

Comment reconnaît-on les symptômes de cette maladie ? 

Les signes varient en fonction de l’âge de la personne. Il y a trois (3) signes majeurs. Le premier est la fréquence de l’anémie chez un sujet. Le deuxième concerne l’ictère, c’est-à-dire le fait d’avoir des yeux jaunis et enfin la splénomégalie, qui renvoie à l’augmentation du volume de la rate.  Chez le nourrisson,  les premiers  signes sont identifiables  à partir de 6 mois. Ils se manifestent par le syndrome pied-main. Ce syndrome se caractérise par les enflures des pieds et des mains du nourrisson qui deviennent rouges.  Cela peut s’accompagner de fièvre également. Chez les adolescents, les signes portent sur la fréquence des douleurs abdominales, ponctuées également de maux de tête.  Chez l’adulte, par contre, les douleurs  sont logées  dans les os et les articulations.

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Pour le cas des personnes qui font la forme asymptomatique, vu qu'elles ne font la maladie, comment se sentent-elles et comment s'y prennent-elles pour leur traitement ? 

Comme je l'ai dit, c’est une maladie héréditaire. Il n’y a donc pas de traitement proprement dit, étant entendu que ces personnes ne présentent pas de signe de la maladie. Le danger qui les guette, c'est que si elles ne savent pas qu'elles sont drépanocytaires, et qu’elles se mettent en couple avec un porteur qui fait aussi la maladie sous sa forme simple, sans le savoir également, les enfants qui naîtront de cette union, seront porteurs de la forme compliquée.  

Comment savoir alors qu'on est drépanocytaire ?

La seule façon de savoir qu’on est drépanocytaire, c'est de faire l’électrophorèse de l’hémoglobine. Il permet de détecter si on a la forme grave ou la forme simple ou aucun des deux, c'est-à-dire que le sujet examiné n'est pas drépanocytaire.   

Dans les pays tropicaux, le drépanocytaire doit éviter de faire le paludisme ou les infestions digestives

Peut-on savoir les facteurs de risque ? 

Pour les facteurs de risque, ce qu’il faut retenir, ce sont les éléments déclencheurs de signes chez les drépanocytaires qui font la forme compliquée. Ces facteurs de risque sont divers. Il y a le froid en saison pluvieuse ou la climatisation accentuée.  Les activités physiques et intenses peuvent déclencher la crise, de même que la fièvre. Raison pour laquelle dans les pays tropicaux, le drépanocytaire doit éviter de faire le paludisme ou les infestions digestives. Enfin,  la déshydratation constitue également un facteur de risque.  Ces éléments ne sont pas exhaustifs. Mais ce sont les plus courants. 

Dans nos contextes africains, les enfants atteints de la drépanocytose n’atteignent pas généralement 5 ans

Dans l’opinion publique, il se raconte que les drépanocytaires ont une durée de vie limitée qui n’excèderait pas la cinquantaine. Qu’en est-t-il réellement ?  

Leur durée de vie dépend de plusieurs facteurs. Le premier élément, c’est le dépistage précoce de la maladie. Dire que les drépanocytaires n’ont pas une longue durée de vie, pose l’équation de la prise en charge tardive ou inadaptée. Et c’est là le hic. Autrement dit, lorsque la maladie est découverte plus tôt et que l’accompagnement médical se fait plus vite, avec un suivi régulier, le drépanocytaire peut vivre jusqu’à l’âge adulte, c’est-à-dire 30, 40, voire 50 ans.  Or, le constat qui est fait, c’est que la maladie est souvent découverte tardivement. Dans nos contextes africains, les enfants atteints de la drépanocytose n’atteignent pas généralement 5 ans. Mais, même ceux qui dépassent l’âge de 5 ans ne vont pas au-delà de 20 ans.

Est-ce à dire que la durée de vie maximum d’un drépanocytaire est de 50 ans ?  

Oui, effectivement. Il est difficile dans nos contextes africains qu’un drépanocytaire atteigne l’âge de 30, 40, voire 50 ans. Ce qui est à l’origine de cette réalité, est le défaut du dépistage précoce. Sans oublier aussi les malades qui font la forme grave, la forme SS.  Il est difficile pour ceux qui ont la forme SS de vivre longtemps. Une personne bien suivie et bien traitée peut atteindre la cinquantaine. 

Si le couple est AA, il n’y a pas de danger à faire des enfants

Est-elle une maladie contagieuse ?  

Non, elle n’est pas contagieuse. Je le répète, c’est une maladie héréditaire, cela veut dire que tant que les parents n’ont pas cette maladie, les enfants ne peuvent l’avoir. D’où, l’importance du dépistage dans un couple. S’il advient que les deux parents ont la forme SS, il est déconseillé à ce couple de procréer, car tous les enfants issus de cette union seront drépanocytaires. Par contre, si le couple est AA, il n’y a pas de danger à faire des enfants, car cette forme étant la forme simple, les enfants ne feront pas la maladie. Si le couple est AS, les enfants n’auront pas le même statut. Certains A, d’autres AS et d’autres encore SS.  

Réalisée par Ernest Famin

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