Adjamé-Liberté, gare routière pour les minicars à destination de Yopougon. Il est environ 15h à notre arrivée, ce samedi 12 août 2023. La météo affiche 27 0 C en ce temps hivernal. Un temps qui donne envie de fumer à tout habitué de la cigarette. Le lieu grouille de monde. Un rang de passagers à destination du quartier Koweït de Yopougon se forme. Ces usagers patientent le temps de monter dans leur véhicule.
Ça fume sans égard pour l’entourage
A moins de 5 mètres d’eux se trouve un convoyeur (apprenti) qui a en main une cigarette allumée. L’homme est en train de fumer une cigarette sans la moindre gêne. Pendant e temps, il invite d’autres piétons à rejoindre la file d’attente. Il aspire le mégot de sa bouche, par laquelle, il expire une fumée noire qui se propage. Elle paraît nocive, à juger par la réaction des usagers qui se trouvent à proximité de lui. Une femme renfrognant le visage, fait signe de la main en dégageant ladite fumée de sa direction. Elle n’est visiblement pas contente de respirer la fumée produite par cette cigarette. Chose que l’apprenti de « gbaka » ignore ou fait mine d’ignorer. Ce convoyeur n’est aucunement affligé par l’effet qu’engendre sa cigarette sur les autres. L’odeur dégagée par cette tige allumée, se fait sentir sur toutes les personnes se trouvant jusqu’à 20 mètres à la ronde. Les autres usagers qui composent la file d’attente, eux, sont pressés de monter à bord du véhicule ; las de respirer la forte odeur de tabac brûlé qui se propage dans l’air et qu’ils sont contraints d’inhaler. Un quadragénaire, accompagné de son fils d’environ 7 ans, exprime son ras-le-bol. « Mon frère, pardon, ta cigarette-là nous gêne. Il faut avancer un peu », interpelle-t-il le jeune homme. Le fumeur n’en n’a cure. Il prend le temps de finir sa cigarette sans tenir compte des plaintes, avant l’embarcation. Et de jeter le mégot à même le sol.
Dans la même gare, deux jeunes gens sont en train de deviser. L’un, vendeur à la sauvette et l’autre qui lui tient compagnie. Le commerçant à en main une cigarette, qu’il fume tout en poursuivant la discussion. Son interlocuteur n’est toutefois pas gêné d’aspirer la fumée rejetée par la cendre de cette cigarette qui se consume peu à peu. L’odeur se fait sentir à plus d’une dizaine de mètres.
Sous le regard indifférent des forces de l’ordre
Nous mettons le cap dans une autre gare, à 500 mètres de là. Toujours à Adjamé-Liberté. Cette fois-ci, à la gare de Bingerville. Comme si les convoyeurs s’étaient passé la consigne de fumer avant tout décollage. Nous trouvons la personne commise au chargement en train de griller, elle aussi, une cigarette. Là, est stationné un véhicule dans lequel nous nous installons pour l’observer. A la différence de son confrère, lui se tient à une grande distance des passagers. Certainement pour éviter que la fumée les dérange. Que nenni ! Elle arrive à se transporter à l’intérieur du minicar qui est stationné à l’entrée de la gare. Les vitres étant grandement ouvertes. Le fumeur n’est cependant pas inquiété par la présence de deux agents de police qui sont chargés de la régulation de la circulation. Préoccupés par leur tâche, ils ne font guère attention à la scène. Si la majorité des occupants du véhicule est indifférente, cela n’est pas le cas pour un homme avoisinant la cinquantaine. L’homme se met à tousser tout en tapotant sa poitrine. Il dit ne pas supporter l’odeur de la cigarette. « Cela peut m’asphyxier », explique-t-il. Le convoyeur est aussitôt interpellé par le conducteur qui lui demande d’éteindre sa cigarette. Celui-ci prit le temps de tirer un grand coup sa cigarette avant de l’éteindre et d’embarquer pour Bingerville. Bien qu’ayant laissé derrière lui le mégot, l’odeur forte se fait sentir toujours sur lui. Ce qui a amené un occupant à se pincer le nez durant quelques minutes. Interrogé pour savoir les raisons pour lesquelles ils s’adonnent à la cigarette, le convoyeur explique qu’elle agit comme un son stimulant. « C’est ce qui fait que j’arrive à travailler. Cela me donne de la force. Dans notre travail, nous devons toujours avoir de l’énergie », se justifie-t-il. Il nous confie qu’il arrive à fumer au moins un paquet de cigarettes par jour.
Bema Bakayoko
Encadré 1
Que de dégâts sur la santé !
Le tabac est un facteur de risque de la plupart des maladies non transmissibles. Il est un agent causal. Il induit le diabète de type 2
Dr Koffi Nestor est médecin en Santé publique. Il est le Chargé de communication, éducation et informations au Programme national de lutte antitabac (PNLTA). Pour lui, nul n’a le droit d’exposer autrui à la fumée, même si cela se fait dans une maison ou un véhicule. Il soutient également que le tabac est un tueur silencieux eu égard aux maladies qu’il engendre. « Tout le monde est libre de fumer. Mais la courtoisie exige que vous vous déplaciez pour fumer et vous revenez. Les consommateurs de cigarette n’ont pas le droit d’exposer autrui à la fumée. Quand la loi dit de ne pas fumer dans les lieux publics, même si quelqu’un est dans sa maison ou sa voiture qu’il est avec d’autres personnes, il n’a pas le droit de fumer », précise-t-il. Quand les spécialistes disent que le tabac tue plus que le paludisme et le SIDA, ce n’est pas une œuvre de l’esprit. Le tabac est un facteur de risque de la plupart des maladies non transmissibles. Il est un agent causal. Il induit le diabète de type 2. Il est à la base des maladies cardiovasculaires. C’est un tueur silencieux. La moitié des gens qui fument meurent des pathologies liées au tabac », prévient-il.
Bema Bakayoko
Encadré 2
Ils témoignent des ravages de la cigarette sur leur santé
Les conséquences de la consommation de cigarette sont nombreuses tant pour le fumeur lui-même et ses proches qui ne fument pas. Zéla Mohamed, 42 ans est ferrailleur. Fumeur depuis 10 ans, il explique qu’il n’arrive pas à arrêter la consommation de cigarette, bien que cela ait des effets négatifs sur sa santé.
La cigarette fatigue, ça dérange beaucoup. Je ne peux pas marcher rapidement pour me rendre dans un lieu où on a besoin de moi de façon urgente
« La cigarette fatigue, ça dérange beaucoup. Je ne peux pas marcher rapidement pour me rendre dans un lieu où on a besoin de moi de façon urgente. Le matin au réveil, j’ai du mal à me lever du lit. Je sais qu’il fait jour, mais je n’ai pas de force pour me lever. Au niveau de la libido aussi, je ne suis pas endurant pendant les rapports sexuels. Et aussi j’ai souvent un manque d’appétit. Je peux avoir faim mais quand je suis prêt à manger, je ne mange pas beaucoup », raconte-t-il. Il confie vouloir arrêter la consommation de cigarette. Mais l’envie lui vient à chaque fois qu’il prend la décision. « Quand je suis sur un chantier qui se trouve auprès d’une boutique de quartier, j’en achète plusieurs fois. Mais quand je suis éloigné d’un lieu de vente, j’achète seulement le nécessaire pour la journée. Sinon, je peux en à acheter de façon séparée. Mais cela peut atteindre 700 F CFA par jour. Ce qui correspond à un paquet de cigarettes ».
Je pouvais fumer jusqu’à 3 paquets par jour
La trentaine, Traoré Moussa est mécanicien de son état. Il nous apprend qu’il a été consommateur passif durant une longue période de chagrin d’amour. « Si ce n’est pas ça, je ne sais pas pourquoi je vais m’adonner à la cigarette. Chaque fois que je pensais à la femme qui m’avait déçu, je me mettais à fumer. Je pouvais fumer jusqu’à 3 paquets par jour ». Trentenaire, Beugré Mathias est gérant de cabine téléphonique. Sa propension à fumer, nous confie-t-il, est influencée par l’environnement dans lequel il baigne. « J’ai des amis qui fument. Mais moi-même je ne fume pas tous les jours. C’est quand je suis avec eux que je fume aussi, pour bluffer», a-t-il conclu.
Bema Bakayoko