Dès son retour, l'ex-patron du Crédit suisse s'est rendu immédiatement chez le président de la République, Alassane Ouattara. Le petit-fils du premier président ivoirien était accompagné pour la circonstance de son aîné, Augustin et de plusieurs autres de ses proches. Après la réception du président Ouattara, il a mis le cap sur Yamoussoukro, la terre de ses ancêtres où il y a été accueilli par la chefferie traditionnelle. À la lumière de ce retour, on peut affirmer que contrairement à la rumeur qui a circulé sur son retour manqué lors des obsèques de Charles Konan Banny, le pouvoir n'a aucunement agi contre M. Thiam. Puisque le président Ouattara l'a reçu dès son retour.
Reste donc la thèse d'un retour mal ficelé par ses partisans et sa famille, qui ont tenté de faire porter cet échec au pouvoir en place. En effet, entre sa famille biologique qui voit en lui un messi au point de vouloir contrôler son agenda, son parti politique d'origine géré d'une main de fer par Henri Konan Bédié et ses partisans qui pensent pouvoir tirer profit de la situation, Tidjane Thiam ne mène pas large. D'ailleurs au sein de sa famille biologique, d'aucuns lui reprochent son absence pendant les deuils qui l'ont frappé. Son retour annoncé pour les obsèques de Charles Konan Banny a même suscité des grincements de dent. "Certains avaient du mal à comprendre qu'il ne se soit pas déplacé pour les obsèques de sa sœur et qu'il décide de participer à ceux de Banny qui ne fait pas partie de sa famille", souffle un membre de sa famille. Son aîné, Augustin Thiam jouant tantôt le médiateur, tantôt le chef de famille, "a dû recadrer son cadet sur son attitude" , ajoute un autre membre de la famille. Tidjane Thiam a été obligé de reporter son retour, surtout que ses émissaires dépêchés auprès de Bédié pour les obsèques de Banny n'ont pas été "chaleureusement" reçus.
Être le petit-fils du président Houphët-Boigny n'est pas un passeport
Au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci), son parti, il devra jouer serré. Car, ni Bédié, ni les caciques ne sont prêts à lui ouvrir les porte du parti. Ils voient en lui un trouble-fête, "celui qui pense que tout lui est dû", indique une source au sein du Pdci. "Être le petit-fils du président Houphët-Boigny n'est pas un passeport. Tidjane devra faire ses armes puisque la liste d'attente a succession de Bédié est longue", lance un proche de Konan Bédié. Dans l'entourage des potentiels candidats à la succession de Bédié, dont Jean-Louis Billon, on rit de ce retour. "Que croit-il ? Que parce qu'il s'appelle Thiam, petit-fils du président Houphët-Boigny, le Pdci doit lui revenir de facto ? Combien de temps pense-t-il que nous attendons dans l'antichambre ?", confie un proche de Billon. "Félix Houphët-Boigny dit avoir fait la politique pour plusieurs générations de sa famille. Il a éloigné sa famille de la politique. Thiam trahira-t-il sa mémoire ?", ajoute notre interlocuteur.
Des partisans convaincus d'un destin présidentiel
Quant aux partisans de Thiam, ils restent convaincus que l'accession à la présidence du Pdci est possible. Surtout que ces derniers temps, de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer "le règne de la gérontocrarie au sein du Pdci". Plusieurs jeunes du parti presque octogénaire avaient exigé le passage de témoin à la jeunesse. Ces jeunes comprennent difficilement qu'avec les compétences dont regorge leur parti, "Bédié en soit toujours le leader incontesté". Et pourtant, dans les couloirs de la résidence de Bédié, l'éventualité d'une candidature du mentor pour 2025 n'est pas à écarter. "Qu'on ne pousse pas Bédié dans le dos pour qu'il soit candidat. Il a assez donné. Qu'il fasse de la place aux autres", clame un proche de Thiam. Que dit le concerné lui-même ? Pour le moment, Tidjane Thiam entretient le flou sur ses ambitions.
Après 23 ans d'exil volontaire et des sorties sur les questions économiques, l'ex-ministre Thiam n'a pas une équipe à proprement parler. Aucune figure emblématique de la politique ivoirienne n'a déclaré officiellement sa proximité avec lui. Ce qui laisse penser qu'il n'a pas d'hommes capables de le soutenir dans ses ambitions. "Si Bédié, Ouattara et Gbagbo ont une telle longévité sur la scène politique, c'est parce qu'ils ont de grands cadres qui les soutiennent et qui sont suffisamment forts dans leurs régions d'origine", analyse un universitaire. "Comment pense-t-il se faire une place s'il n'a pas de compétence avérée et reconnue par tous. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Lui seul ne peut y arriver (à la présidence, ndlr)" soutient l'universitaire. Tidjane Thiam devra peut être commencer à la base comme le pensent certains au Pdci. Mais l'intéressé pourrait brûler les étapes et bousculer la vieille garde. Y parviendra-t-il ? Wait and see.
Y.DOUMBIA