Politique

10 ans après la crise postélectorale : L’ex-régime Gbagbo avoue la forfaiture de Yao N’dré

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Le criminel revient toujours sur le lieu du crime, dit un adage bien connu. C’est à cela que s’apparente l’aveu des barons de l’ex-régime Gbagbo dans une déclaration faite pour protester contre l’examen d’une loi organique sur le conseil constitutionnel à l’Assemblée nationale. L’ex-président de cette institution, ont-ils laissé sous-entendre, avait agi en 2010, sous la dictée du pouvoir d’alors.

 

À l’issue du second tour du scrutin présidentiel de 2010, qui mettait aux prises Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’dré, devait trancher après que la Commission électorale indépendante (CEI), eut proclamé les résultats provisoires. Il a alors déclaré le président sortant, Gbagbo, vainqueur après avoir annulé une bonne partie des suffrages exprimés par les électeurs du Nord du pays. Selon lui, les résultats du scrutin dans cette partie du pays, ont été entachés d’irrégularités susceptibles de fausser l’issue du scrutin. Il n’en fallait pas plus pour que le pays bascule dans une guerre sanglante qui fit officiellement 3000 morts.

L’arrêt du président du Conseil constitutionnel, Yao N’dré, soutenaient Gbagbo et ses inconditionnels, était fondé sur le droit. L’ultime recours qu’il était, juraient-ils, avait tranché sur la foi de ce que lui commandaient les textes de loi. En clair, Yao N’dré n’avait fait que dire le droit. Et donc, il fallait que les autres se plient à cette sanction, tant il est vrai que dura lex sed lex. Pour eux donc, au regard de cette décision du Conseil constitutionnel, rendue par Yao N’dré, le vainqueur de la présidentielle de 2010 n’est autre que Laurent Gbagbo. Depuis plus d’une décennie, c’est cette même posture que l’ex-chef de l’État et ses hommes défendent. 

 

Ces déclarations qui valent aveu

 

Or, voilà que protestant contre la décision du gouvernement de soumettre à l’examen du Parlement, une loi organique sur le fonctionnement du Conseil constitutionnel, des barons de l’ex-régime Gbagbo produisent une déclaration dans laquelle, ils laissent sous-entendre que l’arrêt de Yao N’dré a pu être dicté par les tenants du pouvoir d’alors ou du moins, ceux-ci n’y sont pas étrangers. De fait, écrit le groupe parlementaire Ensemble pour Démocratie et la Souveraineté (EDS), dont fait partie des dignitaires de l’ancien régime Gbagbo, élus députés : « …le Conseil constitutionnel a montré et démontré, au fil des élections, surtout les élections présidentielles, son incapacité à se démarquer de l’emprise du pouvoir qui l’a établi, pour dire le droit, rien que le droit ».

Par ces mots, ces barons de l’ancien régime de la Refondation admettent, peut-être sans s’en rendre compte, que sous Gbagbo, « le Conseil constitutionnel a montré et démontré (…) son incapacité à se démarquer de l’emprise du pouvoir qui l’a établi, pour dire le droit, rien que le droit ». Comment alors ne pas être porté à en déduire que la décision prise par Yao N’dré quand il arbitrait la présidentielle de 2010, s’est faite sous « l’emprise du pouvoir » et donc, était loin d’être assise sur du droit pur. Autrement dit, l’arrêt a pu être corrompu par des instructions soufflées par l’exécutif, incarné par le locataire du palais présidentiel d’alors, qui n’était autre que Gbagbo. Voilà qui fait dire qu’à travers ces mots, l’ex-régime avoue enfin son « crime », c’est-à-dire le fait d’avoir influencé, de quelque manière que ce soit, la décision prise par Yao N’dré, quand il devait statuer en dernier ressort, sur le litige électoral.

D’ailleurs, l’intéressé lui-même avait admis, des mois plus tard, avoir été possédé au moment des faits. Ce qui porte à croire qu’il avait tranché sous influence. On pourrait, en effet, le penser, car si sa décision était fondée uniquement sur le droit, Yao N’dré se serait conformé à l’unique alternative que lui laisse le code électoral : invalider purement et simplement le scrutin, au cas où il était prouvé que des résultats issus de la présidentielle de 2010 étaient entachés d’irrégularités susceptibles de fausser la crédibilité du scrutin. En effet, l’article 64 du Code électoral ayant régi ce scrutin, dispose : « Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d'ensemble, il prononce l'annulation de l'élection. La date du nouveau scrutin est fixée par décret en Conseil des ministres sur proposition de la Commission chargée des élections… ». Au lieu de cela, le juge électoral a choisi de redistribuer les voix pour donner gagnant son « ami » Gbagbo. Au mépris donc de la loi.    

 

Assane Niada

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