De retour à Abidjan après huit ans à Paris en France, la chantre musulmane Aliman sera en grande attraction au Palais de la Culture de Treichville, le 07 mai 2022 pour la célébration de ses 20 ans de carrière. Dans cette interview accordée à L’Avenir, elle se livre et se confie.
Comment se sent-on quand on retrouve son pays après près de huit ans passés en Europe loin des siens ?
Effectivement, cela me fait exactement huit ans que je suis sortie de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, Dieu faisant, je suis de retour dans mon pays et je suis très heureuse.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce départ de la Côte d’Ivoire, alors que vous étiez en pleine ascension au niveau de votre carrière de chantre ?
Je suis partie parce que j’avais besoin de faire une pause pour me consacrer un peu à ma famille.
C’était une décision de votre mari qui ne voulait sûrement pas vous voir poursuivre cette carrière de chantre ?
Non, pas du tout. Bien au contraire, il est mon premier fan. C’est plutôt moi qui voulais prendre un peu de recul.
« Je suis contre la dépigmentation »
Au cours de ces huit années sabbatiques, comment viviez-vous en France ?
Par la grâce de Dieu, tout s’est bien passé. J’ai pu me faire de nouvelles connaissances et amitiés et aussi une place. J’ai eu des enfants et j’ai aussi fait des concerts et spectacles. Pour dire que ce n’était pas du temps perdu.
Avec votre forte envie de vous consacrer à votre famille, ne vous est-il pas arrivé de penser à abandonner cette carrière de chantre ?
Effectivement, on peut y penser à tout moment, surtout quand on se retrouve à Paris sans papier. L’attente des papiers est tellement longue qu’on pourrait penser à tout abandonner, mais avec la patience, Dieu finit par t’élever et te délivrer. Sinon, très sincèrement, c’était dur au niveau des papiers.
« J’avais besoin de faire une pause pour me consacrer un peu à ma famille »
Comment pouvez-vous accepter, vous qui étiez pratiquement une star à Abidjan, d’aller à Paris et vivre en toute clandestinité et indifférence ?
Cela peut se faire. Même nos ministres qui roulent carrosse à Abidjan, lorsqu’ils se retrouvent à Paris, ils prennent le métro pour leurs déplacements. Lorsqu’on quitte son pays, on fait l’effort de mettre de côté, son titre. Sincèrement, cela ne me dérangeait pas d’attendre, vu que mon mari et mes enfants étaient avec moi. Je m’étais préparée à cette situation, vu que j’allais pour retrouver mon homme.
Après toutes ces péripéties, pourquoi avez-vous décidé de continuer à être toujours chantre ?
Je ne me voyais pas faire autre chose qu’être chantre. Je suis issue d’une famille très religieuse et je ne pouvais pas faire autre chose que de poursuivre cette carrière.
« À Paris, nos ministres se déplacent en métro »
On s’imagine que cela n’a pas été facile pour votre communauté de vous accepter dans vos débuts comme chantre, puisque vous étiez l’une des premières à se lancer dans un tel projet. Quelles sont donc les contraintes liées à votre mission de chantre musulmane ?
Il faut savoir qu’en toute chose, il y a des complications, des oppositions et des contraintes, mais avec la persévérance et la foi, on parvient à ses fins. Sinon, ce n’était vraiment pas facile au début. Les gens n’étaient pas d’accord avec moi. C’était nouveau et ça dérangeait. Je me suis confiée à Dieu pour lui demander de me guider et c’est ce qu’il a fait.
Est-il aisé pour vous de vous conformer à la vie de chantre qui se doit d’être un modèle pour la société ?
Ce n’est pas facile, mais lorsqu’on est réellement avec Dieu, on y arrive. On a l’obligation d’avoir une vie rangée et faire attention à tout ce qu’on fait. En clair, je ne peux pas me permettre de faire n’importe quoi, parce que je sais que je suis un modèle pour beaucoup de musulmans.
Pensez-vous que vous êtes vraiment un modèle ?
Bien sûr. Je suis d’abord un modèle pour mes enfants, mon mari, ma famille et mes fans.
Selon vous, qu’est-ce qui pourrait vous pousser à ne pas respecter les préceptes du Coran qui est votre boussole ?
Le manque de respect en public. Ce n’est pas parce que je suis chantre qu’on va me manquer de respect en public que je vais laisser tomber. On ne manque pas de respect à une personne devant les gens.
« Je suis contre la polygamie »
Une certaine opinion ivoirienne pense que certains chantres, qu’ils soient chantres chrétiens comme chantres musulmans, ne sont pas dignes d’être appelés ainsi. Qu’est-ce que vous en dites ?
Nous restons après tout des humains, et à ce titre, nous pouvons avoir des défauts comme des qualités. Nous pouvons donc par moments, fauter. Ce n’est donc pas parce que nous sommes chantres que nous ne pouvons pas fauter, les erreurs, ça peut arriver. Ce n’est donc pas pour autant que nous ne méritons pas d’être appelés chantres ou d’être appelés des modèles. Il faut éviter les préjugés, car l’apparence peut être souvent trompeuse. Le chantre respire comme tout le monde et donc, peut avoir des moments de faiblesse.
« Ce n’est pas parce que je suis chantre qu’on va me manquer de respect en public »
Votre retour à Abidjan sera marqué le 07 mai prochain par un concert au Palais de la Culture de Treichville. Quel est le sens à une telle célébration ?
Ce sera une fête populaire marquée par la célébration de mes 20 ans de carrière. On attend tout le monde pour magnifier ce moment. Les chantres chrétiens et musulmans seront également de la partie.
Récemment, Eunice Zunon a dévoilé sur les réseaux sociaux avoir été victime de chantage et de harcèlement sexuel. Elle se plaignait du fait que des probables sponsors lui auraient tourné le dos sous prétexte qu’elle serait mariée. Vous, en tant que chantre, avez-vous déjà été victime de ce genre de chantage et de propositions indécentes ?
Oui, j’ai eu plein de propositions indécentes. Ces propositions venaient de tout le monde, croyants ou non-croyants. Mais, je leur fais comprendre que ce n’est pas ma mission. J’ai mon mari et j’évite de me mettre dans les bassesses.
Comment parvenez-vous à conjuguer vie d’artiste et vie de femme au foyer ?
Tout est question d’organisation, rien de spécial.
Le jeûne musulman vient de finir. Avez-vous observé ce moment de piété ?
Bien sûr, j’ai essayé de le faire parce qu’en France, ce n’était pas aussi facile d’y participer. Mais depuis mon retour, je me consacre vraiment à la prière.
Pendant le mois de jeûne, est-il aisé pour vous les artistes de combiner jeûne et prestations ?
Je fais des prestations, mais tout dépend du lieu.
Êtes-vous pour ou contre la polygamie ?
Je suis contre la polygamie. Je l’ai vécue et cela n’a pas marché.
Pourtant, l’Islam ne l’interdit pas…
J’en suis consciente, mais chacun a son choix.
La bonne femme musulmane, pour vous, devrait se résumer à une femme soumise, pieuse et au foyer ?
Non, non. La femme musulmane doit avoir sa part de vérité et de décision dans le foyer. Elle doit être certes, soumise, mais pas dans le sens d’être une femme qui n’a rien à dire. Bien au contraire, elle doit avoir son mot à dire, car c’est la femme qui tient le foyer.
La dépigmentation, pour ou contre ?
Je suis contre la dépigmentation et cela est mon choix.
Philip Kla