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Interview/Agalawal (Humoriste) : « Nous méritons donc humblement la reconnaissance de l’État »

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Revenu tout fraîchement du Burkina Faso où il a fait salle comble, Agalawal s’est confié à L’Avenir. Dans cet entretien, il nous parle des nouvelles perspectives de sa carrière, de son prochain spectacle grand public et aussi de son coup de gueule contre Molare.

 

On voit de moins en moins Agalawal sur la scène. Qu’est-ce qui se passe ?

Non, du tout ! Je ne me fais pas rare, c’est peut-être vous qui n’êtes pas trop au fait de mon actualité. Sinon, je suis très occupé. D’ailleurs, je comprends pourquoi vous le dites. En fait, je suis beaucoup plus dans la sous-région ces temps-ci. J’ai en effet entamé une série de tournées sous-régionales où je fais des spectacles pour me rapprocher un peu de mon public africain. Je suis donc régulièrement au Burkina Faso, au Bénin, au Togo et même en Afrique centrale. À ce propos, récemment, j’ai même fait un spectacle à Ouagadougou, un one-man-show de près de deux heures à l’espace Canal Olympia de Ouaga 2000. À ce spectacle, j’ai pu rassembler au moins 5 000 personnes et les images sont là pour l’attester. C’est donc ce qui m’occupe et qui fait que vous avez cette impression que je ne suis pas présent sur la scène nationale. Également, je prépare dans l’ombre, mon prochain spectacle prévu pour le 26 mars 2022 au Palais de la Culture de Treichville.

 

« Le PRIMUD n’est pas une référence pour moi »

 

La conquête de l’Afrique est donc la nouvelle orientation de votre carrière qui s’est tout de même imposée en Côte d’Ivoire ?

Bien sûr ! Il faut toujours chercher à évoluer et aller au-delà des barrières de la Côte d’Ivoire. D’ailleurs, on nous a assez vus ici, non pas que nous sommes fatigués de jouer ici, mais en même temps nous sommes de plus en plus sollicités ailleurs. Nous nous devons donc de donner l’occasion et l’opportunité aux autres de nous voir. Cela donne aussi la chance à ceux qui sont là sur place d’avoir un peu plus de visibilité pendant notre absence. Je veux bien sûr parler de la nouvelle génération. Comme pour dire que chez nous, on peut laisser la place à la nouvelle génération (rire).  

 

Les humoristes ivoiriens sont accusés de ne pas entrer dans les standards internationaux. Quels sont vos recettes et secrets qui vous aident à vous imposer à l’international ?

Je pense que cela est relatif. Est-ce que les autres humoristes d’ailleurs entrent dans nos standards ? C’est cela aussi le problème. C’est donc vice-versa. Par exemple, si on prend un humoriste belge pour venir jouer ici devant un public ivoirien, ce sera difficile pour lui, mais devant sa diaspora, il sera beaucoup plus à l’aise. De cette même façon, si un humoriste ivoirien va jouer devant un public hispanique, ce sera compliqué pour lui. Il faut donc que les gens arrivent à relativiser les choses. Il est clair qu’il y a des normes à respecter pour tous ceux qui partagent la langue française. J’arrive à le faire, parce que je joue à Marrakech, au Maroc avec Jamel Debourze où j’ai joué plus de quatre fois. J’ai joué aussi en France avec Mamane dans le cadre de son festival CFA, devant un public fortement blanc. Pour dire qu’il faut que les gens arrêtent ces préjugés. Sinon, ce n’est pas en baoulé ou en dioula encore moins en nouchi qu’on va jouer en Afrique centrale, de l’Est et du Sud. Il y a certes, parmi nous, certains qui jouent uniquement pour les Ivoiriens, mais nous, on va au-delà.

 

Mais que répondez-vous lorsqu’on vous accuse de faire vos marchés de blagues sur les réseaux sociaux ?

Effectivement, je l’entends et ce n’est d’ailleurs pas gênant de le dire. Je pense très sincèrement que cette question doit être adressée à d’autres personnes, car je ne me sens pas du tout concerné par cela. Le public est le seul juge. En même temps, ce public aime la facilité et est conditionné aujourd’hui, malheureusement, par les réseaux sociaux. Les gens n’aiment plus ceux qui creusent, cherchent, travaillent et composent. Ils préfèrent plutôt ceux qui sont dans les choses de l’immaturité. C’est d’ailleurs, cette façon de faire que j’appelle l’humour couper-décaler. Dans ce genre d’humour, on ne fait pas d’effort. On fait n’importe quoi, car c’est ce qui prend facilement et après, on s’improvise humoriste. Quand il s’agit d’un spectacle sérieux, il va falloir écrire et c’est là que les connaisseurs et les experts jugent. Et c’est dans ce canevas que je m’inscris.

 

« Molare utilise nos noms pour se faire de l’argent »

 

Pourquoi donc, pour vous qui dites-vous inscrire dans le canevas des experts et connaisseurs, n’avez-vous jamais été primé au niveau des grands prix en Côte d’Ivoire ?

Qu’est-ce que vous appelez grand prix ? Si c’est du PRIMUD que vous parlez, je vous dis que ce n’est pas un grand prix pour moi. Le PRIMUD n’est pas une référence pour moi. À mon avis, le PRIMUD est un spectacle ordinaire où un individu fait du business en appelant les gens à voter pour se faire du fric.

 

Avez-vous un problème personnel avec Molare qui en est le promoteur ?

Je vous le dis, ça ne m’intéresse pas de me mettre dans une telle compétition. Je l’ai à maintes fois dit à Molare et s’il est honnête, il vous le dira. Je l’ai même appelé à plusieurs reprises pour qu’il retire mon nom de ses nominations, parce que je ne me reconnais pas dans un tel prix, car les bases ne sont pas claires pour moi. Une affaire où on appelle les gens à voter et que moi l’artiste ne gagne rien en retour, je ne marche pas. Le morceau de bois qu’on remet comme prix par la suite, ne m’intéresse pas. En clair, Molare utilise nos noms pour se faire de l’argent et c’est ceux qui ne le savent pas qui courent derrière ses prix. Je ne suis pas un chasseur de prix. J’attends plutôt que le gouvernement et l’État ivoirien me décorent et c’est ce qui m’intéresse, parce que j’ai fait beaucoup en Côte d’Ivoire ici pour montrer aux gens que j’ai du talent. Entre nous, quelle légitimité ont toutes ces personnes qui organisent des prix pour juger de mon talent ? Vous-même voyez, on ne peut pas dans la remise d’un prix, mélanger des éléphants avec des hyènes et à la fin, c’est l’hyène qui gagne.

 

C’est assez grave vos propos. Seriez-vous fâché parce que c’est Eunice Zunon qui a remporté le prix de la meilleure humoriste de l’année au PRIMUD ? 

Eunice Zunon, je ne suis même pas son camarade ! On ne peut pas comparer Agalawal à Eunice Zunon tout de même ! Si c’est un prix de buzz de Facebook, je comprends, mais qu’on ne dise pas que c’est un prix qui récompense le talent. Entre nous, comment expliquez-vous le fait que Vitale remporte un prix devant Dobet Gnahoré qui est Grammy Awards et même devant Josey qu’on connait et qu’on respecte ? Le PRIMUD n’a aucune valeur pour moi. Si Molare me lit, qu’il le comprenne et qu’il sache aussi que je n’ai pas peur d’assumer mes propos.

 

À l’image de Michel Gohou qui a récemment reçu le prix d’excellence dans sa catégorie, souhaitez-vous aussi une telle reconnaissance ?

Bien sûr ! Quand il s’est agi de la crise ivoirienne, les grands-frères qui nous ont précédés, ont permis à la Côte d’Ivoire de garder le souffle et la bonne humeur et de ne pas chuter. Nous sommes venus emboiter le pas à ces ainés et on a fait beaucoup pour la Côte d’Ivoire. Je pense qu’on doit nous le reconnaitre au moins. À savoir que les humoristes ivoiriens ont permis à la Côte d’Ivoire de survivre pendant la période difficile dans laquelle nous avons vécu. Pendant tout ce temps, c’est nous humoristes qui remplissions toutes les salles et prenions les situations les plus difficiles pour les rendre un peu plus vivables. Nous méritons donc humblement la reconnaissance de l’État et je ne devrais même pas le réclamer et le revendiquer.

 

« Comment expliquez-vous le fait que Vitale remporte un prix devant Dobet Gnahoré qui est Grammy Awards et même devant Josey qu’on connait et qu’on respecte ? »

 

Quel est votre regard sur ces web-humoristes qui, de plus en plus, affrontent les scènes ?

Je suis très content quand je vois une autre forme d’art qui se développe. Avant, c’était le théâtre. Après ça, l’humour est venu tout bouleverser. Avec la révolution digitale, certains ont développé de nouveaux concepts et arrivent à avoir de la visibilité. C’est tant mieux si les gens apprécient ceux qu’ils font. C’est encore tant mieux qu’ils ne s’adonnent pas à autre chose de négatif. Cela est à encourager, sauf qu’il faut organiser le milieu. Il ne faut pas aller chacun de son côté et faire n’importe quoi, car être humoriste, ce n’est pas seulement disposer d’un pass et d’un téléphone pour diffuser des vidéos sur Internet. Être humoriste, c’est une profession. Voyez-vous, je suis invité à des colloques de haut niveau où même on ne voit aucun web-humoriste. Cela veut dire que les gens ont du respect et de la considération pour moi et donc, je ne peux pas accepter qu’on me rabaisse dans certaines choses. C’est pour cette considération que je ne veux pas me mettre dans les prix où on vote, car mes fans ne votent pas. Ils vont à mes spectacles. Par exemple, on ne peut pas demander à un ministre de prendre son téléphone pour faire voter. Donc, forcément, tous ceux qui sont populaires sur les réseaux sociaux vont toujours gagner dans ce genre de prix. Mais, cela ne veut pas dire qu’ils sont forcément les plus talentueux.

 

Avec ces différentes formes d’humour, pensez-vous que votre secteur a évolué ?

Je pense que nous les humoristes, demeurons les meilleurs, les preuves sont là, d’ailleurs. Les humoristes ivoiriens sont les plus sollicités aujourd’hui. Si on arrive à remplir des salles au-delà de la Côte d’Ivoire, je pense qu’on demeure les meilleurs. Dans le passé, on aimait à dire que la Côte d’Ivoire était la plaque tournante de la musique, mais aujourd’hui, on dira que l’humour est devenu cette plaque tournante. On ne peut plus faire un spectacle ici sans y associer un humoriste.

 

« Je n’ai pas peur d’assumer mes propos »

 

Le 26 mars 2022, vous offrirez au Palais de la Culture de Treichville, votre 5ème One-man-show. Quelle sera la coloration de ce spectacle ?

Je suis désormais un habitué du Palais. Effectivement, j’aurai mon 5ème spectacle grand public. Le spectacle a pour thème « 5ème mandat ». J’invite donc le public à prendre toutes les dispositions pour assister à ce spectacle. Je ne suis pas dans les blagues d’Internet ou les vidéos coupées-coupées. Moi, c’est le live, car j’ai eu la chance d’être formé par les grands frères.

 

Pourquoi ‘’5ème mandat’’ ?

Vous le saurez. D’ailleurs, pourquoi je parle de 5ème mandat et cela semble vous interpeller ? Sinon, il y a des gens qui ont fait plus de 5 mandats dans ce monde et vous ne leur posez pas la question. Je n’en dirai pas plus, sinon, j’aurais vendu mon spectacle avant de l’avoir fait. En tout cas, en Côte d’Ivoire ici, on me connait comme quelqu’un qui n’a pas la langue dans la poche. Je suis Agalawal grâce au grand frère Jimmy Danger qui m’a appelé un jour, alors que j’étais un jeune étudiant à la cité Mermoz, pour faire la première partie de ‘’Bonjour 2009’’ et depuis, je suis sur la scène. Tout ce parcours m’a renforcé et m’a apporté beaucoup de choses positives.

Philip Kla

 

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