L’histoire récente de la Côte d’Ivoire a été parsemée de crises sociopolitiques parfois graves, qui l’ont fragilisée. Tantôt, ce sont les étudiants qui, pour exiger une meilleure condition d’études, sèment la désolation sur leur passage et dans les différents campus du pays. On enregistre à ce propos, de nombreux crimes crapuleux non encore élucidés. Les assassins sont toujours en liberté et narguent leurs victimes. Tantôt, ce sont des politiciens, acteurs incontournables de notre démocratie, qui eux aussi, usent de violence pour se faire entendre. En ce qui les concerne, la politique est devenue une sorte de caution morale à l’impunité. Chaque fois que ces politiciens se rendent coupables de crimes odieux sur les civils, ils recouvrent rapidement la liberté sans aucune condamnation. Le motif évoqué, est la nécessité de réussir la réconciliation nationale comme c’est le cas actuellement.
Enfin, depuis quelques années également, les militaires constituent un troisième acteur non négligeable de la violence dans le débat public. Et ce, depuis 1992. Comme on peut le voir, la violence s’est enracinée insidieusement en Côte d’Ivoire. Malheureusement, avec son cortège de victimes directes et indirectes. La crise ivoirienne de 2010 a fait, à elle seule, plus de trois mille morts.
La société civile est quant à elle quasiment absente du débat et dans l’éducation des masses. Elle est quasiment phagocytée et sous la coupole des politiques dont elle est devenue le bras séculier. La conséquence de cette déviation, est nul doute, le manque de soutiens aux victimes dans leurs actions contre l’oubli et l’impunité. Il y va du respect de la mémoire des proches disparus dans des conditions exécrables ou des blessés et autres handicapés à vie.
On comprend aisément, comment il a été difficile d’établir des preuves contre des présumés coupables qui ont pu échapper aux mailles de la justice nationale et internationale. On comprend également pourquoi il est difficile de trouver des personnes qui se soucieraient de la question de l’impunité en Côte d’Ivoire. Car, tout le monde s’accorde, qu’au nom de la réconciliation, il faille libérer les prisonniers, ou les présumés coupables des différentes crises. Ce discours est construit sans tenir compte de la douleur et de la souffrance des victimes. Ceux qui parlent ne peuvent pas comprendre cela. D’ailleurs, le plus souvent, ce sont eux-mêmes les bourreaux de ces victimes. C’est pourquoi, il faut fustiger ce sentiment d’une insouciance généralisée. En effet, depuis quelques jours, l’association des victimes s’est mobilisée pour faire entendre sa voix sans succès. Aujourd’hui, des propos scandaleux sont tenus sans que l’on s’en offusque. Il faut que cela s’arrête pour justement amorcer le processus de réconciliation tant attendu, d’autant plus que, le messie supposé de la réconciliation pour certains, a foulé depuis peu notre sol.
Il faut certainement se rendre à l’évidence que la vraie réconciliation est celle qui condamne des propos irrévérencieux et malveillants sur les crises de façon générale, sur la mémoire des victimes et aussi sur le rôle de chacun dans ces différentes crises. C’est donc le lieu d’inviter à la retenue et surtout d’inviter au pardon. Mais avant, il aurait été souhaitable que les acteurs de la vie publique ivoirienne, depuis l’indépendance à nos jours, comprennent leur responsabilité en tant qu’acteurs dans la crise, pour ensuite comprendre le sens du pardon dans un conflit. On peut ne rien se reprocher certes, mais le pardon nous rend humain ! Ceci est valable pour celui qui le prononce que pour celui qui l’accepte. Les victimes ont juste besoin d’entendre, ces enfants de Dieu se repentir au lieu de rejeter la faute sur les autres. Parce qu’en définitive et au-delà de la justice humaine, il y a celle de Dieu. Et elle est implacable ! c’est pourquoi, Paul Toupin disait : « Quand on a pour soi la justice divine, celle des hommes est inutile ». Quod divina iustitia !
DIABY Moustapha Ben Ismaila
Juriste-Ecrivain, Tel : 0747659514