Le chef de l’Etat malien va tester sa popularité ce vendredi après avoir invité ses compatriotes à sortir pour protester contre les sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.
Cette journée de mobilisation appelée par le chef de la transition malienne le colonel Assimi Goïta, sera scrutée par la Cedeao et la France
Pour Assimi Goïta qui a appelé tous les Maliens à sortir pour dénoncer les sanctions de la Cedeao, c’est un test grandeur nature pour son règime qualifié « d'illégitime » par ses détracteurs. Si l’appel à la manifestation est suivi par les Maliens, le tombeur d’Ibrahim Boubacar Keïta en tirera profit dans son bras de fer avec la Cedeao. Le nouvel homme fort de Bamako a décidé d’appliquer la « réciprocité » à ses voisins d’Afrique de l’Ouest après les sanctions. Il s’est ensuite tourné vers la Russie et d’autres partenaires pour contenir les jihadistes.
Récemment, Moscou en guise de soutien a bloqué avec la Chine un texte de la France appelant les Nations unies à soutenir les sanctions de la Cedeao contre le Mali. Un soutien affiché de la Russie en faveur de la junte qui a obtenu carte blanche au sortir des Assises de la refondation pour conduire la transition jusqu’en 2027. La réussite de cette manifestation donnerait à coup sûr du poids à la position des militaires contre la Cedeao après les sanctions. Elle pourrait aussi surtout redessiner une nouvelle géopolitique dans cette région où la France avait jusque-là dicté le tempo dans son pré-carré. A contrario, si les Maliens décidaient de ne pas sortir massivement, ils enverraient un message fort aux militaires dans cette période de transition mouvementée.
De son côté, la Cedeao scrute de près l’évolution de cette journée de manifestation. L’Organisation régionale a prononcé de lourdes sanctions contre la junte malienne comme la fermeture des frontières et le gel de ses avoirs financiers. Mais elle doit aussi faire face à une levée de boucliers des Organisations non gouvernementales et des mouvements citoyens de plusieurs pays d’Afrique qui menacent de « braver l’embargo contre le Mali si la Cedeao persiste à punir le Mali pour des considérations politiques ». Ces organisations sont convaincues que « la priorité doit d’être combattre la lutte contre le terrorisme et les forces obscurantistes qui endeuillent le Mali ». Taxée souvent d’être un « syndicat de chefs d’Etat » en lieu et place d’une « Cedeao des peuples », l’organisation mise sur pied en 1975, tentera dans cette crise malienne de préserver sa crédibilité souvent mise à mal.
Enfin la France qui considère la situation au Mali et au Sahel comme « une affaire africaine et européenne » abat aussi une carte dans cette crise politico-socio-diplomatique. Selon le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, « Il y a une fuite en avant, un appel confirmé à une milice extérieure (la société paramilitaire Wagner, ndr) ». Le chef de la diplomatie française considère « le calendrier de transition de cinq ans inacceptable » et pense que la junte est en train de « confisquer la démocratie des Maliens ». Mais sur le terrain, la réalité est bien différente, car le sentiment antifrançais s’est exacerbé en Afrique de l’Ouest et un désir de souveraineté politique et monétaire est de plus en plus agité.
Au Mali, au Sénégal et plus récemment au Tchad, des jeunes s'en sont pris aux symboles de la présence française en Afrique lors des manifestations. Fin novembre, un convoi militaire français de ravitaillement à destination de Gao au Mali avait été pris pour cible. Dans ce contexte assez tendu, Paris mise-t-elle sur une explosion sociale au Mali pour faire plier militaires ? En soutenant les sanctions de la Cedeao qui risquerait d’étouffer économiquement Bamako dans un court terme , la France espère faire reculer la junte où à défaut l’amener à plus de souplesse dans cette crise.
Apanews