
Comment est né votre intérêt pour les métiers de la sécurité incendie ?
Au début, je n’avais aucune idée de ce secteur d’activité. C’est après les études que je me suis intéressée à ce métier. À l’issue d’un stage dans une entreprise spécialisée dans la sécurité-incendie, j’ai été cooptée au bout de quelques semaines comme responsable commerciale de cette entreprise. Donc, à force d'aller sur le terrain et côtoyer les clients, j'ai fini par m'intéresser davantage au domaine, au point d’en être passionnée.
Aujourd’hui, vous dirigez votre propre entreprise. Comment voyez-vous l’avenir de ce secteur ?
J’ai créé mon entreprise en 2017, cela fait donc 07 ans. À la création de ma structure, nous étions pratiquement 17 sociétés de sécurité-incendie en Côte d’Ivoire ; aujourd’hui, il y a plus d’une centaine. Ce qui veut dire que le secteur n’est pas méconnu. Il est porteur, seulement, il faut que les choses se passent dans les règles de l’art.
Que voulez-vous dire par « il faut que les choses se passent dans les règles de l’art » ?
La plupart de nos clients ont plutôt recours à l’Office national de la protection civile (ONPC) et aux sapeurs-pompiers. Ce qui est, d’ailleurs, une bonne chose ; puisque ce sont ces structures qui sont censées leur délivrer une notice de sécurité. Cette notice est exigée avant la construction d’un bâtiment et elle définit les conditions sécuritaires en matière d’incendie. Après cette étape, le propriétaire du bâtiment en construction se tourne vers les sociétés spécialisées dans la vente de matériels de sécurité-incendie. Malheureusement, quand il fait, ce sont les structures citées plus haut, qui se chargent d’acheter le matériel pour lui. Une chose qui n’est pas normale. Ces entreprises se présentent comme des concurrents. C’est dommage !
Quels sont vos rapports avec l’ordre des architectes de Côte d’Ivoire ?
Nous avons approché à maintes reprises cet ordre. Nous avons eu des séances de travail, mais jusque-là, il n’y a pas de retour probant
« Nous avons des charges fixes à gérer et pour cela, l'État doit être plus regardant sur les appels d'offres, le contrôle des constructions pour imposer le minimum par rapport à la sécurité-incendie »
Quels sont les risques pour une bâtisse qui ne dispose pas de matériel de sécurité-incendie ?
Les risques sont énormes pour une habitation qui ne présente aucun signe de sécurité. Pour une habitation, la base voudrait qu’il y ait des équipements de première intervention, c’est-à-dire les extincteurs, détecteurs de fumée et de gaz qui sont là pour les départs d’incendie. Il est bon de savoir qu’il y a l’incendie et il y a le feu. S’il n’y a pas d’extincteurs, il faut absolument appeler de toute urgence les sapeurs-pompiers. Le temps qu’ils ne réagissent, vous aurez perdu une grande partie de vos biens ou des membres de la famille. À la maison, 80 à 90 % des incendies partent de la cuisine à cause du gaz, aussi du salon ou des chambres à cause des appareils électro-ménagers… Malheureusement, les gens n’accordent pas trop d'importance à ces détails. Je parle des gens de la classe moyenne.
D’où proviennent en grande partie vos clients ?
Je peux vous dire que 95% de nos clients résident à Cocody et Bingerville. Mais les quartiers comme Marcory, Koumassi, Port-Bouët, Bassam, les gens ne s’intéressent pas à la sécurité -incendie de leurs maisons.
La réticence des populations n’est-elle pas due au coût du matériel ?
Les prix du matériel sont accessibles à toutes les bourses. Ils vont de 20 000 FCFA à plus. Les coûts sont abordables. Et le client a des garanties allant à 10 ans. Des gens construisent, achètent des véhicules à des millions de FCFA, mais refusent de prendre les dispositions élémentaires en cas d‘incendie. Beaucoup de clients préfèrent des matériels des entreprises étrangères, sous prétexte qu’ils sont moins chers. Tous les grands clients ont recours à elles. Le jeu de l’appel d’offre sur le terrain est un peu biaisé. Nous avons des charges fixes à gérer et pour cela, l'État doit être plus regardant sur les appels d'offres, le contrôle des constructions pour imposer le minimum par rapport à la sécurité-incendie. C’est une obligation. L'État doit être regardant sur les structures publiques qui sont un peu comme nos concurrents.
Les sociétés spécialisées dans la sécurité incendie paient chaque année, un agrément de 500 000 FCFA à l’ONPC, avant d’exercer dans le domaine. Si on n’arrive pas avoir de marchés, ça devient compliqué.
À vous entendre, peut-on affirmer que beaucoup de familles sont exposées au risque des incendies ?
Oui. C’est pourquoi, je demande à l’État d’être regardant sur notre domaine d’activité. L’ONPC délivre aux constructeurs une notice de sécurité qui leur permet de savoir ce qu'il faut pour la sécurité de la maison. Malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui suit cela, parce qu’il n’y a pas de suivi et de sanctions. De ce fait, les gens s'en foutent. J’entends souvent des gens dire, ma maison est assurée, je n’ai pas besoin de sécurité-incendie. Mais ce qu’ils ignorent, c’est que s’il y a un incendie, les enquêteurs des assurances cherchent les raisons de l’incendie. S’ils se rendent compte que c’est du fait d’un incendie qui pouvait être circonscrit par des équipements élémentaires, ils considèrent cela dans le dossier. C’est pareil pour les véhicules, les bureaux. Dès que je rentre dans une maison, ou un bâtiment, je m’assure s’il y a un extincteur, surtout en bon état. Il faut faire des vérifications chaque semestre, c’est-à-dire deux fois dans l’année et ce n’est pas cher.
Venance Kokora