Abidjan, le jeudi 24 juin 2021 (lavenir.ci)-En saison pluvieuse, les pluies qui s’abattent sur la ville d’Abidjan mettent en difficulté, certains acteurs de l’économie.
Assise pensive, ce dimanche, dans un coin de son débit de boisson communément appelé maquis, Amandine Y., à travers son visage, semble faire les frais de l’air glacial qui souffle au Dokui, dans la commune de Cocody. Un regard jeté dans son maquis et l’on comprend la mine renfrognée de cette tenancière. Seulement deux clients discutent autour d’une bouteille de vin presque vide. Les autres tables sont désertes.
Difficile de faire une bonne recette
Pour cette dame, les pluies diluviennes qui s’abattent ces jours-ci sur la ville d’Abidjan, ont fait baisser légèrement son chiffre d’affaires. Elle se demande même si elle pourra atteindre son objectif du mois. « Quand il pleut, les gens ne boivent pas trop la bière. Avant les pluies, je pouvais vendre au moins 5 casiers de bière, sans compter les autres boissons comme le vin et les sucreries. Mais si ça continue, il sera difficile de faire une bonne recette », conte-t-elle ses difficultés. Elle n’est pas seule dans cette situation.
Pour booster ses ventes les week-ends, Adjo M. qui tient un maquis à Angré, dans la même commune, a initié des soirées dédiées à plusieurs genres musicaux. Et, ces soirées contribuaient à faire de bonne recette. « Avant la saison des pluies, après chaque soirée, je pouvais avoir une recette de 350.000 F », confie-t-elle, nostalgique. Et de poursuivre en ajoutant que le déclenchement des dernières pluies, a fait fuir certains clients qui lui permettaient d’engranger ces recettes. « Actuellement, à cause de la météo qui annonce souvent des pluies, il est difficile de faire une recette de 50.000 F en une soirée, les clients ont peur de la pluie. En plus, quand il fait froid, il n’est pas agréable de boire de la bière glacée », analyse-t-elle les difficultés qu’elle rencontre.
Dans d’autres secteurs d’activité, ce sont les mêmes cris de détresse. Guidoué B. est chauffeur de taxi communal dans la commune de Cocody, depuis bientôt dix ans. C’est avec une émotion dans la voix qu’il évoque les problèmes dus aux pluies dans son secteur d’activité. « Quand il pleut, qui sort pour emprunter le taxi sous la pluie ? », s’interroge-t-il, en guise de réponse à notre question de savoir si la pluie n’entrave pas son activité. Plus détendu, il relève qu’en période moins pluvieuse, il arrive à descendre à 22 heures avec plus de 25.000 F pour lui-même, après avoir retenu la recette de 12.000 F et fait le plein de carburant autour de 35.000 F.
Inondations, nids de poules… prennent de l’ampleur
Dans les désagréments souvent causés par la pluie, il n’omet pas de citer les pannes récurrentes occasionnées par les inondations et les nids de poules qui prennent de l’ampleur avec les pluies.
Moussa D., chauffeur de minicar communément appelé "gbaka", habite la commune de Williamsville. Il dit avoir vécu un calvaire lors de la grosse pluie qui est tombée dans la nuit du 19 au 20 juin 2021. « Je ne suis pas embauché, c’est avec le surplus que je gagne après la recette, que je nourris ma famille, mais, les pluies causent des embouteillages et m’empêchent même d’avoir la recette. Je suis donc obligé de travailler durant mon jour de repos, sinon, je risque de mourir de faim. Pourtant le dimanche, je n’ai pas mis le nez dehors à cause de la forte pluie », témoigne-t-il.
Ceux qui se frottent les mains …
Contrairement aux acteurs exerçant dans les débits de boisson et le transport, les restauratrices, elles, tirent parti de cette saison. Ce lundi, le restaurant de Nathalie, situé au Mahou, connaît une grande affluence. Les clients se bousculent même pour se faire servir de la pâte de manioc cuite, communément appelée "placali", accompagnée de sauce graine et de peau de bœuf ou encore "pklô". Après le départ de la majorité des clients, elle nous confie que cette période pluvieuse est favorable pour son business, car, argumente-elle, elle arrive à doubler et même à titiller le triple de ses recettes habituelles. Toujours est-il qu’Amani Franck, un adepte du "placali", indique que quand il pleut, l’on se nourrit plus que d’ordinaire, selon le constat qu’il a fait à son niveau.
Aubin G., lui, tient un magasin de vente en gros de produits phytosanitaires pour la lutte contre les rongeurs et les insectes de maison. Ce quadragénaire indique que la saison pluvieuse est favorable pour ses affaires. Il souligne que c’est pendant cette saison qu’il réalise son chiffre d’affaires le plus important. « Si je manque cette période, mon année est gâtée », insiste-t-il. C’est l’un de ses détaillants qui nous livre le secret de ce business qui "coule" durant la pluie. « Nous vendons des produits pour lutter contre les souris, les cafards, les moustiques… Quand il pleut, l’eau envahit les égouts, les habitats de ces bêtes qui se réfugient alors dans les maisons. Les femmes, apeurées par leur présence, se précipitent vers nous pour acheter nos produits. Alors, nous profitons pour faire de bonnes affaires », explique-t-il, le sourire en coin.
Fatou Sylla