Économie

Interview/Arthur Coulibaly (PCCET) :« Notre objectif, c’est de tirer une plus grande valeur de nos productions »

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Pour Arthur Coulibaly, le PCCET permettra aux producteurs de tirer plus de bénéfices de leurs productions
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La Côte d’Ivoire ambitionne de transformer la structuration de son économie, en passant d’une économie de production à une économie de transformation. Dans cette dynamique, le Gouvernement a mis sur pied le Projet des Chaînes de valeurs Compétitives pour l’Emploi et la Transformation économique (PCCET). C’est un ambitieux projet de 118 milliards de Francs CFA dont le lancement a eu le 2 avril 2022 à Aboisso. Dans cette interview, Arthur Coulibaly, Conseiller spécial du Premier ministre et coordinateur dudit projet explique dans les moindres détails ce que le PCCET va apporter à l’économie nationale et dans le quotidien des producteurs.

Le Premier ministre a procédé au lancement du Projet des Chaînes de valeurs Compétitives pour l’Emploi et la Transformation économique (PCCET), le 2 avril 2022 à Aboisso. Quelles sont les motivations de la mise sur pied d’un tel projet ?

Le Projet des Chaînes de valeurs Compétitives pour l’Emploi et la Transformation économique est un projet qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie « Côte d’Ivoire 2030 », qui est la vision du Président de la République qui veut faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent. C’est donc un projet qui est parmi tant d’autres et parmi d’autres initiatives du Gouvernement. Mais de façon spécifique, le PCCET est une composante de la mise en œuvre concrète de la stratégie « Côte d’Ivoire 2030 ». Le PCCET vise notamment à croître la compétitivité et la productivité des chaînes des valeurs de l’hévéa, du palmier à huile, de l’ananas, de la mangue et du karité. Il vise également à croître l’accès des entreprises à un financement plus long terme.  Le PCCET se termine en avril 2027. On aura donc encore 3 ans avant 2030 pour atteindre les objectifs et je peux aussi affirmer que les conditions de réussite sont réunies.

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Lors du lancement, le Premier ministre a indiqué que c’est un projet très ambitieux qui va permettre à la Côte d’Ivoire de passer d’une économie de production à une économie de transformation. Nous sommes à sept années de 2030. Est-ce que les délais pourront être tenus au regard des ambitions ?

C’est une préoccupation fondamentale, mais je peux vous dire que le PCCET se termine en avril 2027. On aura donc encore 3 ans avant 2030 pour atteindre les objectifs de ce projet. Je peux aussi affirmer que les conditions de réussite sont réunies. C’est un projet qui vient à la suite d’autres réformes importantes de l’Etat notamment pour attirer les investissements privés, pour assainir d’une manière générale l’économie, assainir les finances publiques etc. Le PCCET vient donc en quelque sorte s’installer sur les acquis déjà réalisés depuis 2011.

 

Si l’on parvient à tenir les délais comme vous le soutenez, qu’est ce qui va changer fondamentalement dans l’économie ivoirienne avec le PCCET ?

Dans l’économie ivoirienne ce qui va changer, c’est que déjà nous aurons augmenté la valeur et le volume de nos exportations. Le Premier ministre l’a rappelé lors du lancement du projet le 02 avril 2022 à Aboisso. Quand on regarde par exemple les chaînes de valeurs mondiales, la Côte d’Ivoire produit beaucoup en termes de matières brutes dont le Cacao, l’anacarde, l’hévéa, le palmier à huile etc… Mais nous n’en tirons pas assez de valeurs. Donc le PCCET est une composante des actions de l’Etat pour arriver à créer plus de valeurs localement dans notre pays. Plus de valeurs localement signifie que nous aurons retenu une plus grande valeur de nos productions en faisant la transformation localement.  Ceci va changer et apporter beaucoup à l’économie ivoirienne. Avec d’autres initiatives de l’État, nous allons gagner plus en termes de revenus d’exportation. Nous allons aussi gagner plus en termes de vente de nos produits au niveau local pour satisfaire nos besoins locaux. Toujours avec d’autres initiatives de l’Etat, nous allons accroître l’accès des PME et des grandes entreprises à un financement un peu plus sur le long terme. Toute chose qui va contribuer à accroître la création d’emplois pour les jeunes, notamment les jeunes en milieu rural et aussi pour les femmes.

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Concrètement qu’est ce qui va changer dans le quotidien des populations avec le Projet des chaînes de valeurs ?

Si l’on prend l’exemple du karité, l’objectif avec le PCCET, c’est d’arriver à réaliser une meilleure transformation localement. C’est-à-dire qu’actuellement nous n’avons pas d’usine opérationnelle pour la transformation du karité en beurre. Nous avons des coopératives qui font de la transformation artisanale, mais nous n’avons pas une grosse unité industrielle. Dans des pays voisins, ils ont, non seulement des entités qui font la transformation du karité en beurre de manière industrielle, mais aussi ils font ce qu’on appelle le fractionnement. C’est-à-dire séparer le beurre de karité en ses différentes composantes comme la stéarine, l’oléine et la gomme. L’oléine par exemple, c’est ce qu’on va utiliser pour les produits de beauté. On sait qu’en Afrique d’une manière générale et aussi en Côte d’Ivoire, on utilise beaucoup le karité pour les soins. Mais on n’a pas d’usine industrielle qui transforme pour faire ce fractionnement du beurre de karité en oléine qu’on peut donc utiliser pour les soins de beauté. Il y a également la stéarine qui est le principal produit qui sort du fractionnement et qui peut être utilisée comme un substitut au beurre de cacao. Voyez-vous, si nous arrivons à atteindre nos objectifs et tous les voyants sont au vert pour y parvenir, la production de karité ne sera plus vendue sous forme de produit brut.

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« La Côte d’Ivoire produit beaucoup, mais tire moins de valeurs de ses productions »

Le projet concerne également l’hévéa, l’ananas, le palmier à huile et la mangue. Quelle valeur ajoutée le PCCET va-t-il apporter chez les producteurs ?

Quand on prend l’hévéa, aujourd’hui on a quelques difficultés au niveau de la main d’œuvre. Nous avons du mal à trouver des saigneurs. Quand on discute avec les saigneurs, la préoccupation qui revient est celle de la pénibilité du travail. Le Projet pourra chercher à mettre en place des solutions pour réduire cette pénibilité et d’une manière générale de faire en sorte que la qualité du produit qui sort de ces fonds de tasse s’améliore. Ceci va assurer un meilleur revenu pour le producteur, mais également un meilleur revenu pour les usiniers parce qu’ils perdront moins de temps à trier et à enlever les matières étrangères aux produits. Tout ceci contribue à leur compétitivité. Pour le cas de l’ananas, avec le PCCET, c’est de voir comment on peut faciliter la production. Nous savons que dans certaines zones, il est parfois difficile d’avoir des terres pour produire de l’ananas parce que très souvent on plante dans le même champ que le palmier. Ceci ne rend pas la structure suffisamment viable pour le producteur d’ananas parce qu’il sera réticent à faire certains investissements tels que mettre un forage, mettre des engrais sélectionnés etc. Le PCCET apportera son soutien en appuyant les structures de l’Etat notamment sur la question des semences et des engrais. Pour le cas de la mangue, nous avons beaucoup de pertes post récolte. Nous avons un phénomène qui est que les unités de conditionnement travaillent à peine deux mois. Cette année avec la crise russo-ukrainienne, il y a des unités qui ont travaillé à peine six semaines. D’autres un mois et demi. Ceci fait que quand vous avez des coûts fixes, il est particulièrement difficile de rentabiliser sur un mois, un mois et demi de travail pendant toute l'année. Au niveau du bord champ, la question des mouches de fruits et du niveau élevé des pertes post-récolte contribuent à la brièveté de la campagne mangue et font que les unités de conditionnement ne travaillent qu’un ou un mois et demi dans l’année. L'objectif du PCCET, en synergie avec d’autres initiatives du gouvernement, est d’améliorer cette situation en mettant des usines de séchage de la mangue parce que toutes les mangues ne sont pas destinées à l'exportation. Il existe une classification de la valeur de la mangue, de la plus élevée à la plus faible. Normalement, on exporte les mangues qui ont la plus forte valeur ajoutée et donc la meilleure qualité, parce que par rapport au coût des transports, cela permet de rentabiliser la mangue qui va se vendre au prix le plus élevé à l’extérieur. Les qualités qui viennent en dessous peuvent être vendues sur le marché local ou régional. Celles qui ne peuvent pas être vendues sur le marché local ou régional peuvent être séchées. Celles qui ne peuvent pas être séchées parce qu'elles sont trop mûres, peuvent être transformés en jus. C’est cette catégorisation descendante des valeurs qui constitue la quintessence du PCCET. L'objectif du Projet et d’autres initiatives du gouvernement, c'est d'amplifier le volume des mangues exportables et d’accroître l’utilisation des mangues qui ne sont pas exportables. Ceci va contribuer à accroître les revenus des producteurs parce que les produits ne sont plus jetés ou non récoltés. Les usines vont avoir plus de produits, parce que nous allons faciliter le transport et l'intégration des acteurs de la chaîne des valeurs. Ce sont là quelques exemples parmi tant d’autres sur les avantages du PCCET que nous pouvons citer.

 Le café, le cacao et l'anacarde constituent des maillons essentiels de l'économie nationale dont l'essentiel de la production continue d'être destinée à l'exportation. Pourquoi ces spéculations ne sont-elles pas prises en compte dans le PCCET ?

Le gouvernement a des projets importants dans le cacao qui sont en cours de préparation. Il y’a un autre projet aussi dans l'anacarde et qui est déjà en exécution depuis 2018 qu'on appelle le Projet de Promotion de la Compétivité de la Chaine de Valeur Anacarde (PPCA). C'est une initiative parmi tant d'autres et c’est un projet ambitieux qui va mettre en place des zones agro-industrielles et renforcer la recherche. Au niveau du PCCET, nous n'avons donc pas ciblé directement l'anacarde et le cacao. Mais ces produits seront pris en compte d'une certaine façon, puisque nous allons mettre des unités de transformation des résidus de l'anacarde, de l'ananas et du palmier à huile… L'objectif étant de produire de l'électricité à partir de ces résidus de transformation. Et ça, c'est un élément qui est crucial, qui va réduire les coûts de gestion de ces résidus par les usines et leur générer des revenus par la vente desdits résidus.

L’ambition du gouvernement, c’est de passer d’une économie de production à une économie de transformation. Cela exige une énorme consommation d’énergie dans les usines qui seront construites. La Côte d’Ivoire est partie prenante des accords de Paris sur le climat et vient d’abriter la COP15.  Peut-on réaliser les ambitions du PCCET et respecter nos engagements internationaux sur la préservation de l’environnement et du climat ?

Oui, puisque dans la politique énergétique de la Côte d'Ivoire, le Gouvernement a fait beaucoup d’efforts dans le secteur des énergies renouvelables, qu'il s'agisse des barrages hydroélectriques, du solaire ou de la biomasse. D'ailleurs dans le PCCET, comme je le disais tantôt, nous travaillons sur des projets d'énergie à base de résidus de transformation. Aujourd'hui, nous allons de plus en plus vers ces ressources renouvelables qui viennent en appui à notre mix de production à base de gaz naturel. Nous pouvons non seulement atteindre nos objectifs environnementaux, mais aussi poursuivre la dynamique de diversification de nos sources de production en énergie en augmentant la part du renouvelable.

« Nous allons installer des unités de transformation des résidus de l'anacarde, de l'ananas et de la mangue »

A côté de la transformation structurelle de l’économie, le PCCET vise aussi à améliorer le climat des affaires, l’accès aux terrains industriels, la facilitation du commerce etc. Il existe déjà plusieurs structures ou programmes qui s’occupent de ces questions spécifiques. Cet état de fait ne constitue-t-il pas une déperdition des ressources et des énergies dans la mesure où c’est le même objectif qui est poursuivi in fine ?

Dans le PCCET, il y a deux éléments qui sont extrêmement importants. Le premier, c'est l'efficacité de la dépense et l'autre, c'est la durabilité des effets de la dépense. Nous avons prévu des réformes pour améliorer le commerce, l'environnement des affaires et pour faciliter l'accès aux terrains industriels. Si l'on commence par l'accès aux terrains industriels, le PCCET ne va pas dupliquer les investissements. Il va plutôt utiliser les voies et les moyens des agences existantes, puisque nous avons signé des conventions avec celles-ci. En réalité, ce seront ces agences qui vont mettre en œuvre ces composantes.  Le PCCET va apporter l'appui financier et technique. Mais in fine, pour la durabilité et l'efficacité, ce sont les mêmes agences qui vont exécuter et c'est ce qui va permettre la pérennisation des effets du projet. N’oubliez pas que le PCCET s’arrête en 2027, mais ses effets doivent aller largement au-delà de 2027 et se poursuivre dans le temps. C’est pourquoi nous avons signé des conventions avec la SOGEDI, la Direction Générale des Douanes, la Direction Générale des Productions et de la Sécurité Alimentaire du Ministère d’Etat, Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, le CEPICI etc. In fine, ce sont les structures que nous allons appuyer.

La Primature a organisé récemment un séminaire à Grand-Bassam à l’intention des hommes des médias, des communicants des ministères et des influenceurs afin de s’approprier et de vulgariser le PCCET. Au-delà de ces composantes de la société, que faites-vous ou quels sont vos plans pour vulgariser ce projet dans les zones rurales ?

C'est un aspect qui est crucial et très important. On ne peut pas améliorer les choses sans les acteurs. Ce que nous prévoyons, c'est une démarche participative que nous appelons de tous nos vœux. Depuis le mois d'avril 2022, nous avons entrepris une vaste opération dans les différentes localités du pays. De par les spéculations qui sont couvertes par le PCCET, c'est tout le pays qui est couvert. Nous avons recruté 10 ingénieurs agronomes qui sont des spécialistes de la compétitivité et qui vont appuyer les structures et qui feront le diagnostic sous notre supervision. Aujourd’hui, nous en sommes à une centaine de villages. Nous ne nous arrêtons pas seulement dans les villes, nous allons jusqu'aux villages et aux bénéficiaires ultimes. Nous allons poursuivre ces échanges jusqu'au 31 août 2022. Cela va nous permettre finalement de recueillir les difficultés des acteurs, leurs souhaits et les perspectives pour le projet. Le PCCET n’est donc pas une initiative conçue et mise en œuvre à Abidjan, mais c’est plutôt des actions qui sont faites à la base, en milieu rural, puisque l'objectif du Président de la République, SEM. Alassane OUATTARA et du Premier ministre, M. Patrick ACHI, c'est d'assurer un développement équilibré de tout le territoire.

Quels sont les mécanismes qui sont prévus pour le suivi-évaluation de ce projet afin de pouvoir atteindre vos objectifs en 2027 ?

On ne peut pas améliorer quelque chose que l'on ne sait pas mesurer. Nous avons recruté un spécialiste en suivi-évaluation qui est en train de travailler sur un manuel. Nous allons recruter aussi une firme qui va numériser le processus de suivi-évaluation. Nous allons aussi déployer ce processus dans toutes les agences d'exécution qui vont alimenter ces bases de données. Le rôle des ingénieurs agronomes sera de circuler dans tout le pays. Les investissements aussi se feront au fur et à mesure. C'est-à-dire, quand nous faisons une première partie, il y a des échéances, des jalons et des résultats qu'il faut accomplir. C'est sur ces bases que nous allons réaliser la phase suivante. Le suivi-évaluation sera permanent et se fera en temps réel, parce que nous allons mettre en place des outils qui le permettent. Mieux, nous allons avoir des comités au niveau des différentes régions qui, à leur tour, seront des relais de sorte que nous ayons un suivi entier qui permet, avec les données que nous aurons, un modèle d'actions avec lequel nous prendrons des décisions qui nous permettront d'avoir plus de données. C'est ce cercle vertueux (Données -> Modèle -> Décisions -> Données...) que nous allons mettre en place et qui va nous permettre d'améliorer constamment les actions mises en œuvre par le PCCET.

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Quel appel avez-vous à lancer aux populations pour le succès de la mise en œuvre du projet ?

Je souhaite que nos concitoyens se joignent d'abord à l’équipe projet pour remercier et féliciter la vision du Président de la République, SEM. Alassane OUATTARA. Puisque le projet intervient dans le cadre de la Stratégie « Côte d'Ivoire 2030 », qui est celle du président de la République et qui est en train d'être mise en œuvre par le Premier ministre M. Patrick ACHI. Ensuite, c'est de dire aux populations que les équipes du PCCET sont sur le terrain et parcourent toutes les régions. C'est de leur réserver le meilleur accueil possible. Jusqu'à présent, nous avons bénéficié d'un très bon accueil de la part des populations et nous les encourageons à poursuivre ces efforts. Quand nous voyons l’enthousiasme dans les villages, il y a tellement d'engouement et d'espoir autour de ce projet, que nous sommes heureux ! C'est ce qui fait que chaque jour nous travaillons constamment pour améliorer les choses et permettre sa réalisation efficace. Ce que nous souhaitons est que cet engouement et le bon accueil se poursuivent pour continuer les échanges avec les acteurs concernés, de toutes les chaînes de valeurs ciblées, du producteur jusqu'à l'exportateur en passant par l'industriel et par la suite, se remobiliser lors des réunions de restitution. Pendant ces rencontres de restitution nous allons rassembler tous les avis des différents acteurs, les consolider et définir un plan d'actions.    

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