Votre compatriote Camara Nangala vient de remporter le prix Bernard B. Dadié à la 13e édition du SILA. Vous qui avez été le lauréat de l’édition 2022, comment accueillez-vous cette distinction ?
D’abord, je suis content, en plus c’est quelqu’un que je connais. Il n’est certes pas mon ami mais nous sommes tous deux des enseignants et nous nous connaissons bien. J’ai déjà été chez lui lorsqu’il vivait à Yopougon. C’est quelqu’un qui vit d’une manière curieuse, il n’y a pas de fauteuils chez lui mais juste une chaise et une table. Il passe tout son temps à écrire. C’est un personnage singulier qui ne vit que pour et dans l’écriture. En toute confidence, madame la ministre de la Culture et de la Francophonie m’a appelé 72h avant l’ouverture du SILA me demandant quel écrivain pourrait honorer cette année le grand prix Bernard B. Dadié pour la littérature, j’ai répondu que je voyais soit Josué Guébo soit Camara Nangala. Quand j’apprends donc que c’est Camara Nangala qui a été le lauréat, cela ne m’a pas étonné car il le mérite. En plus, il a beaucoup produit, très courageux et talentueux.
Ahprès votre sacre à la précédente édition, vous aviez poussé un coup de gueule en dénonçant le faible montant que rapporte ce prix Bernard Dadié. Avez-vous le sentiment que ce prix a été revalorisé cette année suite à votre coup de gueule ?
Rectificatif, je n’avais pas poussé un coup de gueule mais j’avais simplement protesté. Je continue de protester d’ailleurs. Il ne faudrait pas qu’ils croient que je vais les laisser cadeau parce que cette année le lauréat a eu 3 millions F CFA contre un million F CFA l’an dernier. C’est plus que ça qu’il faut donner. Les écrivains méritent plus que ça ! C’est certes déjà un bon petit geste mais on ne va tout de même pas féliciter des gens qui auraient pu faire plus pour le moins qu’ils ont fait. Il faut pousser le prix Bernard B. Dadié pour la littérature à 10 et 20 millions F CFA. Quand ils vont atteindre les 20 millions F CFA, je dirai qu’ils ont respecté Bernard B. Dadié et qu’ils ont respecté les lettres ivoiriennes. Les Sénégalais ont 20 millions F CFA pour le prix Senghor donc pourquoi on ne peut pas le faire en Côte d’Ivoire ? Je continuerai donc toujours de me plaindre, de tempêter et de dire aux autorités que ce montant d’un million F CFA ne suffit pas et qu’elles se doivent de respecter les hommes de lettres et les intellectuels. Le prix de Camara Nangala vaut plus que trois millions F CFA.
Vous êtes donc d’avis avec Christine Binlin-Dadié, l’une des filles de Bernard Dadié, qui estime que ce prix qui porte le nom de son père, mérite plus que ce montant ?
Bien évidemment ! Et je pense que la Côte d’Ivoire culturelle gère très mal le nom Bernard Dadié. Par exemple, peu d’Ivoiriens savent que le Palais de la Culture est baptisé du nom de Bernard B. Dadié. Il faut l’appeler carrément Palais Bernard B. Dadié de la Culture. Au niveau de la fondation Bernard B. Dadié, nous avons commencé à mener une campagne de sensibilisation dans ce sens. La fille de Dadié a tout à fait le droit parler de la mauvaise gestion du nom de son père. Je souhaiterais voir au fronton du Palais de la Culture un monument dédié à Bernard Dadié ou même un grand poster, mais il n’y a rien dans ce lieu qui perpétue la mémoire de cette illustre figure de la littérature ivoirienne. D’ailleurs, je fais deux doléances à la ministre de la Culture et de la Francophonie. Je lui demande que non seulement on appelle ce palais, Palais Bernard B. Dadié de la Culture mais aussi que le théâtre de verdure soit baptisé du nom de Bernard Zadi Zaourou. C’est bien Bernard Zadi Zaourou qui s’est battu pour qu’il y ait ce théâtre-là. Dans le premier plan d Palais de la Culture, le théâtre n’existait pas. C’est lui qui s’est battu pour qu’il y ait ce théâtre de verdure, aujourd’hui appelé salle Anoumabo.
Quels sont ces pas qu’elle a posés qui vous donnent tant d’assurance ?
Je ne pourrai vous les citer comme ça mais la culture commence à avoir de l’existence en Côte d’Ivoire. Il n’y a pas une seule semaine qui passe sans qu’il n’y ait une manifestation culturelle. Notre ministre est aussi toujours présente à tous ces grands rendez-vous culturels. C’est une belle femme, élégante, brillante et ce n’est pas rien. Très sincèrement, cette dame est capable d’apporter beaucoup de choses.
N’est-ce pas parce qu’elle vous a reconduit dans votre poste de président du comité de gestion et de restructuration du BURIDA que vous lui faites tant d’éloges ?
Qui vous a dit que je suis content d’être là ?
Dans ce cas, pourquoi vous n’avez pas démissionné depuis ?
Pourquoi vous voulez que je démissionne du BURIDA alors que je suis en train de faire un travail que les gens aiment ?
Quel travail vous faites encore pour un poste dont le mandat expirait depuis plus de deux ans ?
(Il s’énerve). Vous êtes venu m’interviewer ou me chercher des palabres ? Pour votre gouverne, nous avons été nommé à ce poste pour six mois renouvelable depuis mars 2020. Mais peu de temps après, il y a eu le coronavirus où on a passé plus de huit mois sans travailler. Il y a beaucoup de choses à faire au BURIDA. Il y a par exemple la réhabilitation du siège dont les travaux ont dépassé huit mois. On ne peut pas liquider comme ça les travaux de restructuration d’une maison qui a trainé quarante années de lacunes. Comprenez donc qu’il y a beaucoup de choses à faire. Le ministre de tutelle peut décider de nommer quelqu’un pour un mandat de six mois mais pour le travail de restructuration du BURIDA, il faut au moins cinq ou six ans pour le terminer. Ceux mêmes qui m’ont nommé sont contents du travail que j’ai fait. Qui m’a contesté ?
On est tout de même étonné de savoir que personne ne vous a contesté jusque-là pourtant plusieurs sociétaires ne cessent de grogner…
Quels artistes qui grognent ? Que deux ou trois personnes parlent, vous me parlez de grogne ? Les artistes sont mieux payés aujourd’hui sous mon mandat que sous n’importe quel régime avant moi. L’argent rentre et bientôt ils auront un nouveau siège, des cartes électroniques avec lesquelles ils pourront faire toutes leurs opérations à la banque. Qui leur a donné ça ? Vous racontez n’importe quoi parce que ceux qui grognent ne valent pas trois. Vous avez une fois entendu Alpha Blondy, A’Salfo, Meiway, Tiken Jah, Bienvenue Neba…grogner ?
N’est-ce pas parce que tous ces artistes sont à la SACEM qu’ils ne grognent pas ?
Récemment Alpha Blondy disait que depuis que Tiburce est arrivé, les choses se passent bien. Ce sont toujours les mêmes trois ou quatre personnes qui grognent.
Pourtant le syndicat de Christy B a été récemment très acerbe contre votre gestion…
Christy B a produit combien d’œuvres ? Donnez-moi le titre d’un de ses albums. Il n’y a rien. Christy B, c’est zéro ! C’est mon petit et il va souvent me demander pardon lorsqu’il fait ses sorties. Ceux qui parlaient dans le temps, lorsqu’ils ont vu le travail qui a été abattu se sont ravisés et n’ont de cesse de nous féliciter. Aristide Dico par exemple n’était pas d’accord avec notre gestion mais lorsqu’il s’est approché de nous, il est reparti satisfait. A’Salfo de même. Mais diantre, quel est votre problème ?
A quand la fin de cette gestion provisoire du BURIDA ?
Allez le demander à Alassane Ouattara qui m’a fait venir des Etats-Unis. Un Chef d’Etat me fait venir pour gérer le BURIDA et c’est à moi vous demandez la fin de la gestion provisoire du BURIDA ? Allez le lui demander, il vous le dira.
Réalisée par Philip Kla