Professeur, comment définissez-vous le lien entre les Biosciences et le développement durable ?
Pour ce colloque, il faut bien comprendre les mots utilisés. C’est les biosciences et le développement en Afrique. Les biosciences, c’est l’ensemble des sciences qui s’intéressent à la vie. Vous savez comme moi que la vie est tellement précieuse, qu’il faut trouver les moyens de la préserver. Un autre mot clé de ce colloque, c’est le développement. C’est l’ensemble des transformations techniques, sociales, territoriales, démographiques et culturelles qui accompagnent la croissance de la production. En un mot, toutes ces transformations accompagnent le progrès économique. Pour nous, comment est-ce que les sciences biologiques peuvent contribuer à la croissance économique. C’est le thème central.
En quoi les trois axes sur lesquels s'appuie le colloque peuvent influencer le développement de nos pays ?
Ce colloque aborde trois axes. Le premier axe, c’est la biodiversité et les services écosystémiques. A partir de ce thème, nous voulons sensibiliser tout le monde y compris nous-mêmes. Parce que la biodiversité nous rend tellement de services. Mais qu’est-ce qu’on en fait ? Nous contribuons à sa destruction. Deux exemples : un élément important de la biodiversité, c’est les écosystèmes terrestres, sinon forestiers. L’histoire de la Côte d’Ivoire, tout le monde la connait depuis les indépendances. On part de 15 millions d’hectares de forêt, aujourd’hui nous sommes à trois millions . Pourquoi ? Je voudrais avertir tous ceux qui vivent en Côte d’Ivoire. Je prends l’exemple d’Abidjan. Si la forêt du Banco, le Jardin botanique, le Centre national de biodiversité de l’Université Félix Houphouët Boigny, la réserve de Dahliafleur disparaissent, la vie va s’arrêter à Abidjan. Parce que ce sont les plantes qui nous fournissent de l’oxygène pour que nous puissions respirer. Et en retour, nous fournissons à ces plantes, le gaz carbonique que nous produisons en quantité.
Est-ce la même réalité pour les écosystèmes aquatiques?
Bien sûr. Sans eau, il n’y a pas de vie. Elles sont tellement essentielles, les eaux des rivière, des lagunes , des fleuves... Cette eau que nous utilisons bien évidemment, aussi la nappe phréatique que nous utilisons presque tous les jours. Mais aujourd’hui qu’est ce qu’on constate ? Je prends le cas de la Côte d’Ivoire que je connais très bien. Le phénomène d’orpaillage clandestin est entrain de dégrader l’ensemble du système aquatique de la Côte d’Ivoire. Il faut que nous prenions les dispositions. Des recherches récentes donnent des résultats qui ne sont pas vraiment intéressants. Il faut vraiment que nous conjuguons ensemble nos efforts. L’Etat a commencé à réagir mais il faut que tout le monde soit sensibilisé. Si nous n'arrêtons pas l’orpaillage également, il y a un danger à l’horizon. Ça c’est le premier axe.
Dans le deuxième axe on a parlé de santé. Si nous mettons la santé de l’homme au centre du monde, cette santé-là dépend de la santé des animaux des végétaux mais également l’environnement dans lequel l’homme vit. C’est pour quoi aujourd’hui on parle d’une seule santé d’où le concept de One health.
Aujourd’hui on ne doit plus parler de l’homme, la santé de X , ou de Y. C'est une seule santé. Il faut prendre en compte tous les aspects et ça va se développer ici au cours de ce colloque. Le dernier axe est l’agriculture durable.
Parlant de l'agriculture durable, l'Afrique peut-il relever le défi de l'autosuffisance alimentaire à travers vos recherches scientifiques ?
Nous parlons de la Nutrition et de la sécurité alimentaire. Je ne vous apprend rien. Qu’est ce que nous faisons au niveau de notre agriculture ? Nous sommes toujours au stade primaire. Nous n'avons pas avancé d’un iota. Je le dis clairement et aujourd’hui il faut changer les pratiques agricoles. On parle aujourd’hui de l’agriculture intelligente. Il y a une conférence importante qui sera animée par un de nos collègues du Canada sur l’agriculture intelligente. Ils vont montrer les nouvelles façons de voir les choses au niveau de l’agriculture. Nous en avons besoin parce que vous voyez aujourd’hui, tout ce qu’on fait est basé sur les matières premières. On dit on dispatche partout alors qu’ailleurs sur une petite surface on peut produire une grande quantité. Il faut changer la façon de faire.
Interview réalisée par Olivier Yeo