Les partisans de Laurent Gbagbo n’ont de cesse de dire qu’il reste la clé de la réconciliation en Côte d’Ivoire. Alors que son retour au pays se précise, beaucoup restent cependant dubitatifs. Ce retour de l’ancien président peut-il être la potion magique pour la réconciliation des Ivoiriens ?
La réconciliation nationale sera-t-elle définitivement effective dès que Gbagbo sera de retour en Côte d’Ivoire ? Oui, répondent, sans sourciller, ses partisans. A les entendre, l’ex-chef de l’Etat est la potion magique qui manque pour que prenne la mayonnaise de la réconciliation. Il y a peu, l’intéressé lui-même se prononçait sur la question. « Avec mon retour, je compte prendre ma place dans le processus de réconciliation nationale et contribuer au rétablissement des liens de fraternité, de convivialité et de solidarité, qui ont toujours caractérisé notre peuple », at-il déclaré dans un message adressé à ses partisans le 2 mars 2021, soit à quelques jours des législatives qui se sont tenues le 6 mars 2021. Si l’on s’en tient à ces propos, l’on pourrait dire que l’ex-prévenu de la prison de Scheveningen semble être disposé à jouer sa partition pour aider à recoudre le tissu social, déchiré par des décennies d’antagonismes politiques. Même si, font observer certains concitoyens, il est resté disert sur les initiatives qu’il entend entreprendre pour consolider la cohésion nationale. Pas plus qu’il n’a fait preuve de contrition lors de ses rares prises de paroles, depuis qu’il a été acquitté par la Chambre de première instance de la Cour Pénale Internationale (Cpi), le 15 janvier 2020. Tout le contraire de l’exleader de la galaxie patriotique, Charles Blé Goudé, qui a, lui, demandé pardon pour les torts qu’il aurait pu causer aux uns et aux autres durant la crise postélectorale et s’est engagé à aller à la rencontre de ceux que ses actes et propos auraient pu heurter.
Les défis qui attendent l’ex-chef de l’Etat
Comment alors parier sur le ferme engagement de Gbagbo à œuvrer à la restauration d’un climat durable de cohésion entre les Ivoiriens ? « Ce n’est pas le retour de quelques personnes qui va consacrer la réconciliation en Côte d’Ivoire », faisait du reste remarquer l’Organisation Ivoirienne des Droits de l’Homme (Oidh). En effet, ce serait se bercer d’illusion que de penser que le retour au pays de l’exchef de l’Etat et de tous les exilés accoucherait d’une réconciliation achevée. Comme par enchantement. Tant il est vrai que, selon un expert en gestion des conflits, « la réconciliation est liée au processus de guérison (individuel et collectif) qui ne peut qu’être long, complexe et non linéaire ». En clair, la réconciliation n’est pas une donnée immédiate, encore moins ponctuelle ; elle se construit dans le temps. Le temps, il en faudra à certaines des victimes de la crise postélectorale pour être libérées de la rancœur qu’elles nourrissent encore à l’égard de l’ex-chef de l’Etat, toujours perçu par elles comme celui par qui est arrivé le malheur qui les a frappées. Ne les a-t-on pas entendues crier leur mécontentement lors de l’annonce de l’acquittement définitif de Gbagbo le 31 mars 2021 ? Il faut donc craindre que ces gens qui en ont toujours après l’ex-chef de l’Etat ne consentent pas à embarquer à bord d’un train de réconciliation conduit par lui. Par ailleurs, au cas où Gbagbo, de retour en Côte d’Ivoire, se rangerait dans un camp, celui de son parti et de ses alliés du Pdci, il est peu probable que son exhortation à la réconciliation soit audible. Or, à l’évidence, l’homme n’entend pas se mettre audessus de la mêlée. Il semble bien décidé à redescendre dans l’arène politique pour mouiller à nouveau le maillot. Comme il l’a laissé transparaître dans l’interview qu’il a accordée à Tv5, pour sa première prise de parole publique. Alors, Gbagbo arrive, la réconciliation aussi ? Pas si sûr.
Assane NIADA