Le pape François a entamé, jeudi 2 décembre, à Chypre, sa visite en Méditerranée. C'est le second déplacement du souverain pontife sur l'île méditerranéenne divisée depuis 1974 et confrontée, depuis plusieurs mois, à une arrivée massive de réfugiés. Retour sur sa première journée à Nicosie.
« Je prie pour la paix [et] je la souhaite de toutes mes forces ». Ce sont les mots forts que le pape François a prononcés lors de cette première journée de voyage à Chypre, rapporte l'envoyée spéciale de RFI à Nicosie, Anna Kurian.
Arrivé vers 15h sur cette île située à moins de 100 kilomètres de la Turquie et de la Syrie, le pape s’est d’abord rendu en Fiat 500 dans la cathédrale maronite de Nicosie pour y rencontrer les communautés catholiques de l’île. « Je vous regarde et je vois la richesse de votre diversité », s’est-il réjoui devant ces catholiques maronites et latins heureux de recevoir pour la deuxième fois un pape chez eux.
« Pour construire un avenir digne de l'homme, il faut travailler ensemble, dépasser les divisions, abattre les murs et cultiver le rêve de l'unité », a ajouté le souverain pontife, mettant en garde contre les « intérêts nationalistes » qui pourraient freiner l'Europe.
Puis c’est au palais présidentiel que s’est rendu le pape François, où le président chypriote l’attendait pour le féliciter de transférer 50 migrants de Chypre en Italie. Le chef d'État a par ailleurs demandé au pontife de 84 ans d’alerter la communauté internationale pour que soit trouvée une solution juste au problème d’une île coupée en deux depuis 1974.
C’est par la prière et le dialogue franc que la situation ira en s’améliorant, a promis le pape François dans son discours.
« Marcher ensemble »
La question migratoire est au cœur de la visite du pape François à Chypre, une île qui dit avoir accueilli 10 000 migrants depuis le début de l'année, essentiellement venus du nord de l'île.
« Nous avons besoin de nous accueillir et de nous intégrer, de marcher ensemble », a poursuivi François, évoquant la Méditerranée comme « une mer qui a bercé tant de civilisations, une mer d'où débarquent, aujourd'hui encore, des personnes, des peuples et des cultures de toutes les parties du monde ».
Le pontife s'est dit également « très préoccupé » par la crise sociale, économique et humanitaire au Liban, voisin de l'île méditerranéenne : « Je ressens la douleur d'un peuple fatigué et éprouvé par la violence et la souffrance. »
Ce vendredi matin 3 décembre, François célébrera une messe publique au stade municipal de Nicosie en présence de quelque 7 000 fidèles, selon les organisateurs. C'est le seul événement auquel pourra participer la communauté catholique latine de Chypre, composée d'environ 25 000 membres - aujourd'hui majoritairement des travailleurs immigrés asiatiques et des réfugiés africains.
Dans la soirée, le pontife aura l’occasion d’illustrer sa méthode lors d’une prière œcuménique avec des réfugiés sur l’île. À la veille de son départ, le pape a souligné que son voyage serait « l'occasion de se rapprocher d'une humanité blessée » auprès « de tant de migrants en quête d'espoir ».
Une trentaine d'ONG en appellent au pape avant sa visite en Grèce
Après Chypre, François se rendra dans un autre pays à majorité orthodoxe : il sera en Grèce à partir de samedi où une trentaine d’ONG se sont associées pour demander dans une lettre ouverte une rencontre avec le pape.
Cette lettre, rendue publique à l’occasion d’une conférence de presse en ligne ce jeudi, a notamment pour objectif d’informer directement le souverain pontife des conditions de vie des demandeurs d’asile en Grèce et d’évoquer, plus largement, la politique migratoire européenne. Le pape François doit notamment se rendre dimanche sur l’île de Lesbos et visiter le camp de réfugiés de Mavrovouni, qui a succédé à celui de Moria, détruit par un incendie en septembre 2020.
Interrogée par notre envoyé spécial à Lesbos, Joël Bronner, la responsable de l'ONG Arsis, Katerina Poutou estime que cette visite du pape représente une « formidable occasion » pour les ONG qui aident les migrants.
« Cinq ans après son premier passage en Grèce [sur l’île de Lesbos], c’est l’occasion de montrer les progrès qui ont été accomplis depuis 2015, depuis l’ouverture des routes migratoires en mer Égée, dit-elle. C’est l’occasion de montrer le renouvellement du rôle des organisations de la société civile au service des individus et de leurs besoins, ainsi que leur contribution aux procédures de la vie démocratique. »
Nouveau modèle de camps de réfugiés
À l’image des propos de Katerina Poutou, de l’ONG Arsis, il s’agit pour les 36 organisations qui ont décidé de parler d’une même voix - le Conseil grec pour les réfugiés, Hias, Caritas ou encore Médecins du monde - de tenter de bénéficier de la lumière médiatique que représente la visite du pape, en Grèce, dans les jours à venir.
La lettre commune de ces différentes organisations en appelle d’ailleurs à « l’influence » du pape pour tâcher de « mettre un terme » aux refoulements de demandeurs d’asile en direction de la Turquie.
Les associations de défense des droits de l’homme espèrent aussi que cette même influence puisse permettre de façonner un nouveau modèle de camps de réfugiés, différent de celui des camps dits « fermés à l’accès contrôlé » qui sont en train de voir le jour sur les îles de la mer Égée et qui ont, souligne le texte, l’apparence de prisons.
Avec l’aide éventuelle du pape, les ONG disent attendre, en somme, un véritable « changement de philosophie ».
RFI