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Reportage/Menaces terroristes-Voici où logeait le présumé cerveau de l’attaque de Kafolo

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lavenir.ci-A Kafolo, plus personne ne doute de la complicité de la communauté peule avec les djihadistes, depuis que Sidibé Amidou, leur chef, a été reconnu comme étant le cœur de la première attaque de juin 2020. Laquelle attaque avait fait 14 morts parmi les soldats ivoiriens.

Ce matin du lundi 24 mai 2021, toutes les portes de « la villa jaune » sont encore fermées. La moisissure s’empare déjà des murs. La concession située à une cinquantaine de mètres de celle du chef du village est abandonnée à quelques animaux domestiques, notamment des poulets et des moutons. C’est ici que vivait Sidibé Amidou, le président de la communauté peule de Kafolo-bac avec sa famille, depuis plus de 20 ans. Sise au quartier Dougoutiguila, la concession est parmi les mieux bâties de la petite localité frontalière du Burkina Faso. Il avait fait fortune dans l’élevage, mais également, dans l’agriculture. « Sa femme était encore là jusqu’au début du mois de ramadan. Elle nous a demandé la route pour rendre visite à ses parents à Tengrela. Depuis, elle n’est plus revenue », nous apprend Kambilé Lonbè, l’un des voisins du présumé cerveau de la première attaque, le 10 juin 2020.

« Après la première attaque, les militaires sont venus le chercher. Son premier fils également. Depuis, nous n’avons plus de nouvelles d’eux. On nous a dit que les assaillants qui ont été arrêtés ce jour-là, l’ont dénoncé comme étant leur chef », révèle Bamba Abdoulaye, notable et neveu du chef de cette localité de quelque 1400 habitants, selon le recensement général de la population de 2014.

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"Tous les Peuls ont quitté Kafolo"

« Aujourd’hui, à cause de l’intrusion du djihadisme, les Peuls sont partis. Tous les Peuls du village sont partis », atteste le chef du village. Il ajoute que la suspicion contre cette communauté a gagné toute la région. Depuis qu’il a été établi que Sidibé Amidou était « la cheville ouvrière » de la première attaque de Kafolo, sa communauté est suspectée de connivence avec les ‘‘fou d’Allah’’. « Chaque fois qu’il y a des attaques, tous ceux qui tombent ou qui sont arrêtés sur le terrain des combats, sont de cette communauté », atteste un militaire des Forces spéciales, basées à Kong.

L’autre argument qui renforce cette stigmatisation contre les Peuls, selon cet officier de la gendarmerie, c’est que la plupart des groupes djihadistes qui sévissent dans la sous-région, sont commandés par des chefs peuls. Il fait allusion à Amadou Koufa et sa Katiba Macina, Abou Walib al-Sahraoui et son État islamique au Grand Sahara… « Tous ces djihadistes sont des Peuls. Et c’est plus facile pour eux de recruter dans leur communauté », estime une autorité administrative de la région du Tchologo. A Kafolo, la suspicion contre la communauté peule a été rendue légitime par la ‘‘nette implication’’ de Sidibé Amidou. Selon le chef du village, cet homme, alors chef de la communauté peule de la localité attaquée, recevait régulièrement des étrangers. « Certains de ses étrangers ont été arrêtés sur le terrain, quand d’autres ont été reconnus parmi les assaillants tués », révèle Abdoulaye Bamba.

Mais, le caractère systématique des arrestations des membres de cette communauté ne va pas sans inquiéter. « Aujourd’hui, il ne fait pas bon d’être peul dans le département de Kong ou de Téhini. On vous regarde tout de suite comme un djihadiste », regrette Mahamoud, jeune bouvier rencontré à l’entrée de la ville de Kong. Mahamoud a 13 ans. Son jeune âge pourrait le sauver des patrouilles. « Quand les militaires rencontrent des adultes derrière les bœufs dans la brousse, ils peuvent les attraper », confie le jeune bouvier qui révèle que son oncle est en prison depuis six mois pour djihadisme.

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A Kong, le président des éleveurs du département, Ouattara Babaye, regrette cet amalgame systématique entre djihadistes et peuls. « Il n’y a pas longtemps, un groupe de Peuls a été libéré après qu’ils ont passé plus d’un mois en détention à la gendarmerie », témoigne-t-il. « Cela s’est passé dans le village de Tangota. Ce groupe de trois Peuls avait perdu l’un des leurs à Sidana, un village voisin. Ils sont allés à ces funérailles. A leur retour, ils tombent sur une patrouille de l’armée qui les embarque. Ils ont été enfermés pendant un mois à la gendarmerie de Kong avant d’être relâchés, sans explication. Pour qu’ils recouvrent la liberté, il a fallu l’intervention de leur tuteur peul et du chef du village de Pongala, qui se sont faits accompagner de la notabilité de Kong. J’étais de la délégation. Nous sommes allés plaider pour qu’ils soient libérés. Je vous parle là des gens qu’on connaît. Imaginez-vous ce qu’il en sera pour ceux que personne ne connaît ici à Kong. Cela nous inquiète », fait savoir Ouattara Babaye. Selon le président des éleveurs de Kong, cette forte suspicion contre les Peuls est même exploitée pour régler des comptes contre les éleveurs, en grande partie, de cette communauté. « Avant cette affaire de djihadisme, il y avait le vieux conflit entre agriculteurs et éleveurs. Certains peuvent profiter pour régler des comptes avec des éleveurs en les accusant de djihadisme. Beaucoup de Peuls sont avec les djihadistes, c’est vérifié. Mais, nous devons éviter d’étendre cela à toute la communauté. Sinon, ce serait tomber dans le piège des djihadistes », prévient Koro Baye qui invite les forces de l’ordre à faire leur travail avec diligence. 

 

Ténin Bè Ousmane

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