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CI / Après les attaques de Kafolo-Ce qui se passe dans la zone rouge ou quand la peur des djihadistes hante les populations

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Lavenir.ci-Depuis la première attaque djihadiste qui a sorti le village de son sommeil, dans la nuit du 10 au 11 juin 2020, les comportements ont changé à Kafolo. La deuxième agression, perpétrée dans la nuit du dimanche au lundi 29 mars dernier, a accentué l’angoisse collective.

 

Bamba L. s’est enfin résolu à accepter la perte de son bétail. Mais, cet homme de 60 ans est encore plus affligé par la disparition de deux âmes. Deux jeunes gens ! Depuis une semaine, il n’a plus aucune nouvelle ni de Moussa, son bouvier, ni de Chita. Ce dernier avait été sollicité pour retrouver Moussa qui n’était plus revenu avec le troupeau de la réserve, située à proximité du village de Kafolo-bac, le dernier village du département de Kong.

Au début de l’histoire, Bamba L. pensait à un vol. Il croyait que Moussa avait peut-être fui avec son bétail. Mais, depuis que Chita, mis à ses trousses, n’a plus donné signe de vie, l’éleveur s’est convaincu de la thèse de l’enlèvement. « Ils ne sont plus joignables sur leurs numéros de téléphone », confirme Bamba Abdoulaye, le neveu du chef de village de Kafolo. Celui-ci revient sur cette histoire qui défraie la chronique, quand il reçoit l’équipe de reportage de L’Avenir, sous l’arbre à palabre du quartier Dougoutiguilou, ce lundi 24 mai 2021. « A Kafolo, quand on sort, on n’est plus sûr de retourner à la maison », lâche Bamba L.

 

« Nous sommes pris en tenaille »

 

Depuis que le village a été la cible des djihadistes en juin 2020, l’armée y a renforcé ses positions. Ce lundi, à l’entrée sud, le bâtiment vert où les militaires ont été surpris dans la nuit du 10 au juin 2020, présente encore les traces des balles assassines des djihadistes. 14 soldats y avaient péri ! « Nous avons changé de position », explique un militaire rencontré au premier poste avancé. À une centaine de mètres de là, sur la piste poussiéreuse qui conduit au cœur du village, on débouche sur le cantonnement militaire entouré de barbelés. C’est le bâtiment de l’Office ivoirien pour la protection de la réserve (Oipr). Devant, à quelque 400 mètres, c’est le Kafalo Safari Lodge, un hôtel-restaurant, tenu par un Belge qui est resté sur place, malgré les menaces djihadistes. « C’est un vrai amoureux de l’Afrique. C’est depuis 1982 qu’il est venu s’installer ici », révèle Bamba Tiémoko, le chef du village de Kafolo. « C’est à partir de notre village que partaient les grands safaris à pied, en voiture et à travers le parc national de la Comoé. Dans ce parc, vous avez toute sorte d’animaux. Mais aujourd’hui, l’affluence de touriste a chuté », renchérit M. Bamba.

La forte présence militaire n’a pas empêché une deuxième incursion djihadiste dans la nuit du dimanche au lundi 29 mars 2021. « Nous sommes pris en tenaille entre les militaires qui nous rassurent tous les jours et surtout les djihadistes que nous soupçonnons de faire des enlèvements dans les environs du village », fait savoir de son côté, Bamba Abdoulaye, adjoint au chef. « En réalité, les djihadistes n’ont pas affaire à nous. Seulement, ils nous reprochent de collaborer avec les militaires ». Dans le village, il se raconte que les djihadistes sont déjà installés de l’autre côté de la frontière. « Ce sont eux qui contrôlent le village d’Alidougou (12 kilomètres de Kafolo). C’est le dernier village du Burkina Faso. C’est à partir de cette base qu’ils entrent en Côte d’Ivoire », confie-t-on. Non sans faire allusion à ce fait récent qui atteste, selon eux, que les ''fous de Dieu'' sont à leur nez. « Pendant le mois de Ramadan, le vendredi 7 mai 2021 à Bolé (dernière bourgade ivoirienne frontalière avec le Burkina-Faso), ils sont venus par dizaines à moto dans la ville. Ils ont appelé les populations de Bolé qui ont refusé toute collaboration avec les militaires et leur ont fait savoir qu’ils n’avaient rien contre elles », témoigne Bamba Abdoulaye.

La cohorte de motos est retournée tranquillement de ''l’autre côté de la frontière'' quand la population, apeurée est restée terrée chez elle. « Mais le message lancé à travers le mégaphone était une demande d’allégeance ».

 

Une zone sous couvre-feu

 

Pour mieux assurer la sécurité, les militaires ont imposé un couvre-feu dans le village. « Dès 19 heures, chaque habitant doit être chez lui. On ne ressort que le lendemain matin, à 4 heures. C’est ainsi que les choses se passaient depuis la première attaque de l’année passée », révèle Bamba Abdoulaye. Cette vie de psychose permanente s’est répandue dans le département de Kong et même au-delà. Maxime Koffi, instituteur à l’Ecole primaire publique de Fassélémou, village situé sur l’axe Kong-Kafolo, est très inquiet : « Pour le moment, c’est vrai que les civils sont épargnés, mais ils ne vivent pas dans la quiétude ». Dans ce village de quelque 500 habitants, les enseignants ''chassent'' la fin de l’année, dans le but de laisser les enfants se rapprocher de leurs parents par ces temps qui courent. Dans cet établissement, comme dans la plupart des écoles rurales, des élèves parcourent entre un et cinq kilomètres, à pied, pour se rendre à l’école. « Dieu merci, on tire vers la fin de l’année. Les compositions se dérouleront la semaine prochaine. L’examen d’entrée en sixième est prévu pour le 8 juin. Cela va permettre aux élèves d’être plus proches de leurs parents. En ce qui nous concerne, nous allons retourner auprès de nos familles, dans l’espoir qu’au retour des vacances, la situation s’améliore », espère l’instituteur rencontré entre le village de Tomo et Fassélémou.

Dans la région, les autorités administratives, politiques et traditionnelles ne cessent pas de sensibiliser les populations. « Nous ne devons pas céder à la peur ». Le préfet du département de Kong multiplie les rencontres pour rassurer et inviter les civils à partager l’information avec les militaires, pour mieux traquer les djihadistes. « Quand vous recevez un étranger et que vous constatez qu’il manifeste des attitudes suspectes, n’hésitez pas à informer la gendarmerie ou les militaires », ne cesse d’exhorter le préfet du département.

Ténin Bè Ousmane

La mort au bout des mines artisanales

Pour amplifier la peur dans la région, les djihadistes misent de plus en plus, sur les explosifs. Et, les véhicules militaires sont les plus visés. « Faites attention aux bidons de 25 litres abandonnés au bord des routes bitumées. Ce sont des explosifs. Sur les pistes, ils optent pour les mines pour commettre leur crime », c’est le conseil que nous donne Batiémoko Bamba. Rencontré entre le tronçon Nassian et Kafolo, le jeune paysan, originaire du village de Mapiénan, révèle qu’il craint pour ceux qui empruntent cette piste poussiéreuse Nassian-Kafolo, allant directement à la frontière du Burkina Faso. Tous les villages ont été informés et chaque habitant est tenu de faire preuve de vigilance en portant son regard au-delà de la chaussée, des abords des routes ou des pistes qui conduisent au parc de la Comoé.

TBO

 

 

 

 

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