La cherté de certains produits vivriers consommés en Côte d'Ivoire pose de sérieux problèmes, dans la mesure où le pays pratique l'agriculture. Dans cette enquête, les acteurs du secteur expliquent les raisons.
Difficile pour les ménages de s'approvisionner sur les marchés. La Côte d'Ivoire, zone agricole contraste avec la réalité sur le terrain. Certains produits de première nécessité se font parfois rares. Mieux, les prix augmentés de façon fulgurante. L'oignon, la tomate, le riz... ces produits de masse en Côte d'Ivoire, indispensables en cuisine, sont souvent importés. Selon les acteurs de la filière oignon, la Côte d'Ivoire dépend à plus de 90 % des approvisionnements extérieurs d'oignons. Cette légume est disponible toute l'année sur les marchés à prix qui changent, selon la saisonnalité des variétés.
La variété préférée des Ivoiriens est l'oignon violet de type Galmi. Cette qualité est bien présente sur les marchés ivoiriens depuis le mois d'avril, période de récolte dans la sous-région. Chaque année, plus de 100 000 T d'oignons sont importés, soit une sortie de devises dans l'ordre de 30 milliards de FCfa, ce qui représente un manque à gagner pour les besoins intérieurs de la Côte d'Ivoire. Et le mois de juillet devrait marquer la fin de la période de bonne disponibilité de la variété de type Galmi sur les marchés. Cependant, l'on constate déjà une hausse du prix au Kg. De façon générale, le prix est monté d'un cran. A Ferké, il est commercialisé à 500 F contre 300F, il y a 2 mois, nous rapporte une résidente de la cité du Tchologo. Au grand marché d'Abobo, le prix au Kg est passé à 600F contre 400F. Il en est de même pour plusieurs marchés où il est vendu à entre 500F et 600F. Alors qu'avant, il fallait débourser 300 F pour s'en procurer. Le tas de 3 tomates fraîches est placé à 200F. Le prix varie d'une période à une autre. Le Kg de la tomate fraîche, en raison de la pluviométrie, est souvent commercialisée à 1000F contre 800F, à Adjamé et dans la plupart des marchés de la capitale économique ivoirienne.
« Quand il ne pleut pas, la récolte dans les champs n'est pas ce qu'on attend. Présentement, les producteurs peuvent facilement se retrouver avec 4 à 5 tonnes. Mais quand il pleut abondamment, ça ne nous arrange pas. Les fortes pluies détruisent la tomate », confie Marceline Vanié, présidente du conseil d'administration de la Confédération nationale des acteurs du vivrier de Côte d'Ivoire (Cnavici), rencontrée à Adjamé.
Ailleurs, c'est différent
Selon elle, la tomate est cultivée dans plusieurs zones en Côte d'Ivoire, entre autres, la localité de Bouaké, Yamoussoukro, Tiébissou, Abengourou. Pour combler le déficit comme c'est le cas pour l'oignon, at-elle informé, « les grossistes importent cette denrée du Burkina et parfois du Mali. Les tomates en provenance du Burkina Faso sont mises dans des caisses de 25 à 26 Kg et sont cédées à 28 000 F ou 30 000 F selon la qualité des produits, contre 27 000 F ou 28 000 F souvent. Les raisons de cette importation, notamment de l'oignon et de la tomate, s'expliquent par le fait du changement climatique, mais surtout à cause des méthodes culturelles ivoiriennes qui restent archaïques. « Aujourd'hui, nous utilisons encore les méthodes archaïques. En Côte d'Ivoire, nous avons des ingénieurs agricoles avec qui on peut travailler. Maïs, ce n'est pas le cas. Nous travaillons sans soutiens. Ailleurs, les techniques agricoles sont mieux développées », se désole-t-elle.
Le secteur du vivrier à la traîne
Pour Mme Vanié, souvent quand les acteurs du secteur du vivrier demandent l'aide de l'État, ce n'est pas forcément de l'argent dont ils ont besoin. « Ce sont les idées, l'encadrement, le matériel agricole, la formation… qui manquent au secteur du vivrier. En Côte d'Ivoire, sur un suffisamment d'espaces pour produire le vivrier. Mais, ce sont les techniques qui nous manquent », souligne-t-elle. Ailleurs, fait-elle savoir, notamment au Burkina, les acteurs du vivrier sont mieux encadrés. « La terre de la Côte d'Ivoire produit de l'oignon et de vrais oignons, mais rien n'est fait pour améliorer sa production. Il nous faut du matériel adéquat pour mieux approvisionner nos marchés. Nous avons les produits sur nos marchés, mais en général, ces produits viennent approvisionner les marchés de la Côte d'Ivoire, parce que les producteurs savent qu'à cette période, il n'y a rien ici. Ces produits n'ont pas le même prix que ceux que nous produisons ici. On construit des routes, des ponts… mais le secteur du vivrier ivoirien est à la traîne. Nous sommes orphelins », déplore Mme Vanié.
50% de la demande intérieure
S'agissant du riz, selon un rapport de la Stratégie nationale de développement de la filière riz (Sndr 2012-2020), la production nationale de riz ne couvre que 50% de la demande intérieure. Le riz, faut-il le rappeler, est l'aliment principal de la population ivoirienne, avec une consommation estimée à 1 300 000 tonnes par an. Mais la production locale peine à suivre le rythme de la consommation intérieure portée par la croissance démographique, l'urbanisation et le changement du régime alimentaire.
Pour combler ce déficit, la Côte d'Ivoire a recours à des importations massives de riz, pour un coût de près de 300 milliards de Fcfa, a indiqué le ministre de la Promotion de la riziculture, d'alors, Gaoussou Touré.
En effet, la riziculture reste en Côte d'Ivoire, majoritairement une agriculture familiale et vivrière, pratiquée sur de petites parcelles. Soit 2 à 3 hectares en moyenne. En outre, près de 80% de la production provient d'exploitations où l'eau n'est pas maitrisée, et où la valeur de la récolte dépend de la pluviométrie. Surtout, les exploitants ne réalisent que peu d'investissement dans les engrais, les semences et les pesticides, confinant le riz à des rendements médiocres. Ils préfèrent en effet, allouer leurs fonds aux produits destinés à l'exportation, comme l'hévéa, le cacao ou le palmier à huile. Autre raison, il est aussi compliqué pour les exploitants d'obtenir du financement, que ce soit pour acheter des intrants, des équipements ou financer leur activité, de manière générale. Les banques sont plus que jamais frileuses comme l'a mentionné plus haut, Mme Vanié, lorsqu'il s'agit de l'agriculture, en particulier, car les risques sont difficiles à évaluer. De plus, les exploitants ont rarement un actif collatéral permettant de contrôler le prêt. En particulier, peu d'exploitants bénéficient d'un titre foncier et ne peuvent donc pas utiliser leur actif immobilier comme garantie du prêt. Pourtant, l'objectif du gouvernement est d'assurer à la Côte d'Ivoire l'autosuffisance en riz, avant 2025 et faire du pays l'un des plus gros exportateurs africains de riz à l'horizon 2030.
Baisse de la pluviométrie
Pour rappel, selon les autorités ivoiriennes, la pluviométrie en Côte d'Ivoire a baissé d'environ 13% depuis les années 1980, avec une hausse de température de 0,8°C durant les dernières décennies, engendrant un fléchissement. Les regards sont tournés vers les autorités gouvernementales afin qu'une solution idoine soit trouvée. Cela passe nécessairement par la modernisation de l'agriculture.
Fatou Sylla