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Interview/ Carême et santé-François Kientega, prêtre et médecin : « Les diabétiques, hypertendus et malades chroniques doivent prendre leurs médicaments »

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Père François Kientega et médecin, recommande aux diabétiques et hypertendus moins d’endurance dans la privation de nourriture pendant ce temps de carême.  (Photo : DR)
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À la fois prêtre et médecin, François Kientega officie à l’hôpital catholique Saint Joseph Moscati de Yamoussoukro, dans le service de néonatalogie. Aux fidèles catholiques souffrant du diabète ou d’autres pathologies métaboliques, aux femmes enceintes ou nourrices, il donne des conseils pour réussir leur carême sans dégrader leur état de santé.

Quelles sont les pathologies qui peuvent amener un chrétien à ne pas jeûner ?

Le carême catholique est vraiment un temps précieux et important. C’est un moment de rapprochement à Dieu dans la vie du chrétien où le Seigneur invite ses fils et filles à fournir des efforts pour se convertir. Ces efforts sont organisés sur trois piliers : le Jeûne, l’Aumône et la Prière. Pour pouvoir jeûner, il y a un certain nombre de conditions. Le droit canonique s’est penché là-dessus et a donné des critères. Par exemple, ne sont pas tenus par la loi de l'abstinence de nourriture, les jeunes qui n'ont pas plus de 14 ans. Les personnes qui commencent leur 60e année de vie et plus, ne sont pas tenues aussi à la loi de l'abstinence de nourriture. De la même manière, il y a des personnes qui vivent avec des pathologies, elles sont soumises à des régimes. À cause de cela, on leur conseille de ne pas jeûner dans les jours indiqués pour l’abstinence de nourriture.  Le jeûne est avant tout en esprit. C'est plus l’effort qui est demandé. Pour un malade qui est sous régime, c’est déjà un jeûne. C’est conseillé de ne pas pratiquer l’abstinence de nourriture en plus des restrictions qui lui sont déjà prescrites.

Est-ce que le carême est dangereux pour une personne hypertendue ou asthmatique ?

Oui, cela peut être dangereux si ces personnes qui vivent avec ces maladies veulent s’obliger à rentrer dans leur jeûne strict, en se privant de nourriture. Le diabétique est invité à manger équilibré. S’il décide de ne pas manger le mercredi des cendres et le vendredi saint, qui sont obligatoires, il risque d’avoir par exemple, une hypoglycémie et cela peut être fatal pour lui. C’est pareil pour l’asthmatique et l’hypertendu, qui risquent de s'exposer à des crises. Il faut vraiment trouver son style, plutôt que de se priver de nourriture et d’eau pour ne pas occasionner des risques qui peuvent être difficiles à gérer.

Comment trouver son style de jeûne en étant en conformité avec la doctrine de l’église ?

Il y a plusieurs façons. C’est pour cela qu’avant d’entrer dans ce temps fort de l’église, il est bien de s’asseoir et de réfléchir en regardant un peu, le contexte de sa vie entière. Voir les défis que je veux mettre sur la table pendant ce temps de carême et travailler à les relever. En menant cette réflexion dans la prière et la méditation, il y a un style qui va naturellement s’imposer à soi. Si le chrétien arrive à les identifier, il peut mettre la prière ou le jeûne au-dessus. Quelqu’un qui a les moyens financiers et qui n’a pas l’habitude de partager, cela peut être un défi pour lui de s’exercer à donner aux autres. Le diabétique, l’asthmatique, ou le malade chronique, peut utiliser l’aumône et la prière pour vivre leur jeûne de façon bénéfique.

De façon concrète, comment un diabétique ou un malade chronique peut mener son jeûne ?

Même quelqu’un qui a le palu ne peut pas jeûner le jour du mercredi des cendres et le vendredi saint. Mais pratiquer le carême est bien possible. C’est d’être clair avec le Seigneur. C’est d’informer Dieu de son état actuel et la bonne volonté de faire ce que l'église a prescrit. Pour ces personnes-là, j’encourage la prière, le partage, la pratique des sacrements. Tout cela constitue des efforts, c’est du temps qu’on donne au Seigneur. Si on arrive à donner 30 minutes au Seigneur, cela veut dire que Dieu a de la place dans notre cœur.

Qu’en est-il des femmes enceintes ?

La femme enceinte a aussi une particularité qui ne lui permet pas de jeûner comme la femme qui n’est pas enceinte. Parce qu’elle porte un être humain qu’elle doit nourrir. Cette vie qu’elle porte n’a pas l’âge de jeûner. Si elle se met à jeûner, c’est sûr qu’elle n’aura pas les nutriments nécessaires pour se nourrir et nourrir le fœtus. Il n’est pas conseillé à la femme enceinte de jeûner dans le sens de se priver de nourriture. Elle n’est pas une malade, mais on peut la ranger dans la catégorie des personnes qui ne remplissent pas les conditions pour pouvoir jeûner dans le sens de se priver de nourriture. Elle peut pratiquer l’aumône et intensifier ces moments de prière avec le Seigneur qui lui a fait confiance en lui accordant la grâce de concevoir. Ce sont des efforts qui peuvent rendre le carême fructueux.

 Est-ce qu’une nourrice est aussi habilitée à jeûner ?

La réponse ici ne peut pas être catégorique. Ce qu’il faut savoir, c’est que la femme qui allaite, a besoin de bien s’alimenter pour enrichir le lait qui est l’aliment absolu du bébé. Il y a l’allaitement maternel exclusif qui est conseillé. Pour une femme qui pratique l’allaitement maternel exclusif, il lui est demandé de bien se nourrir et d’avoir une alimentation équilibrée pour pouvoir nourrir son bébé. Je pense que pour les femmes qui allaitent, elles peuvent aussi trouver la manière de ne pas se priver de nourriture toute une journée. 

Vous disiez que 14 ans n’est pas l’âge requis pour les adolescents. Quel est l’âge pour les adolescents ?  

Le droit canonique stipule qu’il faut avoir 14 ans révolu ; cela veut dire que c’est à partir de 15 ans que les adolescents peuvent suivre le jeûne catholique. Mais en deçà de cet âge, ce n’est pas conseillé, parce qu’on connaît les besoins de ces personnes en croissance. Elles ont besoin d’un certain nombre de calories pour pouvoir assurer leur croissance staturo-pondérale. 

Qu’en est-il des personnes du troisième âge ?  

À partir de 60 ans, vous n’êtes plus obligé selon le droit canonique de jeûner. Mais ce sont des balises qu’on donne. Sinon, pour une personne qui a 60 ans et même plus, qui estime que sa santé lui permet de vivre le jeûne dans son aspect abstinence de nourriture, peut voir comment s'organiser pour le faire en vue de bénéficier des grâces de ce temps favorable.

Quels sont les aliments recommandés pendant la période de carême ?

Le mercredi des cendres, et le vendredi saint, l’église nous demande de jeûner à travers l’abstinence de nourriture. Les vendredis de carême, il est conseillé de s’abstenir de la viande et de la boisson. 

C’est ce que dit l’église. Mais en votre qualité de médecin, quelles sont vos recommandations pour bien s’alimenter pendant cette période ?

Il y a par exemple, des personnes pendant cette période qui se privent d’eau. Le carême catholique ne nous oblige pas de ne pas boire de l’eau. On sait que le corps humain est composé à plus de 60% d’eau. Par conséquent, il faut boire de l’eau. Il est conseillé aussi de manger assez de fruits. Cela permet d’entretenir le corps et de ne pas le priver du minimum pour pouvoir tenir et permettre à nos organes vitaux de bien fonctionner. On peut aussi prendre les soirs, de la crudité, de la salade. Ces aliments sont conseillés, parce qu’ils sont bien pour la santé. Les gens n’ont pas toujours l’habitude de ces pratiques alimentaires, alors manger des crudités, la salade, des œufs les soirs pendant cette période, est aussi un effort.

Ce régime alimentaire est-il aussi recommandé pour les diabétiques et les hypertendus ?  

Pour les diabétiques, nous leur conseillons de manger équilibré. Cela veut dire que l’organisme du diabétique a besoin de protéines, de lipides et de glucides dans le respect du régime préconisé par le médecin traitant.

Ces malades peuvent-ils jeûner en prenant leurs médicaments ?

Ces malades ne peuvent pas ne pas prendre leurs médicaments. C’est un traitement à vie. Et de façon générale, il faut manger avant ou après la prise des médicaments. Ils doivent prendre leurs médicaments aux heures fixées, même si c’est avant la rupture. Ne pas prendre ses médicaments, c’est donner la possibilité à la maladie de refaire surface et lui permettre d’évoluer. En conclusion, disons avec Jésus que ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme, c'est ce qui sort de sa bouche. Cela vaut pour notre santé spirituelle, mais pas pour notre santé corporelle. Alors, faisons attention, car prévenir vaut toujours mieux que guérir. Bon temps de carême à tous et à toutes. Meilleure santé à nos malades.

Réalisée par Ernest Famin

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